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Dr. Njoya Inoussa : « Le massage traditionnel que nous faisons est un miracle de Dieu »

Très réputé dans la médicine traditionnelle option massage, Dr Njoya Inoussa fait des merveilles à Bafoussam. Il soulage au quotidien les victimes des accidents et des entorses à travers ce massage qui fait de lui un personnage énigmatique de la cité capitale de la région de l’Ouest. Un domaine qu’il a hérité de son grand père. Dans un entretien à cœur ouvert, il parle de son handicap visuel ainsi que de sa profession de masseur traditionnelle.

Vous êtes masseur très réputé sur le plan régional et national, puisque vous recevez les malades de toutes les régions du Cameroun qui viennent se faire soigner. Alors, comment a commencé l’aventure ?

Merci pour cette opportunité que vous m’accordez. L’aventure commence quand j’étais tout petit. C’est mon grand père qui m’a initié. Il fut un chasseur de gros gibiers. Il avait de grandes connaissances dans le domaine du massage. Lorsqu’il a vu mon handicap qui venait, puisque je suis un handicapé visuel il y a de cela 27 ans, quand la maladie venait il a jugé utile de m’offrir cette opportunité de tradipraticien spécial massage. Massage des fractures des accidentés, luxation, entorses, tout genre confondu. Il me l’a appris, j’avais environ 17 ou 18 ans. Il m’a initié jusqu’à l’âge de 24 ans, il m’a alors donné l’onction de pratiquer. C’est ainsi que commence donc l’aventure. Cependant j’avais déjà cessé les classes, au niveau du cours moyen 2e année, à la station d’élevage de Nkouden, dans l’arrondissement de kouoptamo. En ce moment kouoptamo dépendait encore de l’arrondissement de Foumbot, puisque kouoptamo devient un arrondissement en 1993. Et puis au départ j’avais même peur. Je me demandais comment un tel miracle pouvait s’opérer que quelqu’un se fracture la jambe et l’os émietté, et qu’avec la main et les produits traditionnels on parvient à consolider, souder. Le grand-père a dit: “c’est un miracle de Dieu. Prends ton courage et tu le feras”. C’est ce que je fais jusqu’à nos jours.

Vous venez d’évoquer un aspect important. L’os qui s’émiette et vous réussissez à le reconstituer, sans vos deux yeux pour les voir. Comment ça se passe ?

Merci beaucoup pour la question. Il faut d’abord être aveugle du cœur. Si tu es aveugle du cœur sache que tu es complètement aveugle. Et si tes yeux voient et que tu n’as pas vraiment l’intelligence, la sagesse, tu ne parviens pas à régler certaines choses, c’est que tu es vraiment aveugle. Donc l’aveugle pour moi est celui-là qui ne réfléchi pas. Tant que tu as un cœur qui réfléchit, il peut t’amener à faire autre chose, réfléchir dans ta tête. C’est ça en réalité que j’ai réellement appris auprès de grand-père. Donc je parviens à réunir les os, à détecter les os, savoir à quel niveau la tête de l’autre a changé de position, autrement dit en médecine moderne, chevauchement. On tire un peu et puis on le remet en place. S’il y a des fragments d’os, on fait à ce que celà se réunisse sur place et ça se reconstitue.

Comment vous procédez ? Est-ce que vous vous faites accompagner dans ce processus par la médecine moderne ?

Bien sûr que oui, puisqu’il y a longtemps l’OMS a recommandé la bonne collaboration avec la médecine moderne. Mais, cependant, le gouvernement de la République du Cameroun, a finalement compris que la médecine moderne et traditionnelle doivent être complémentaires. Ce qui fait qu’il y a une nette collaboration entre nous et la médecine moderne.

Quelles sont les doléances à l’endroit de l’État du Cameroun pour contribuer efficacement à la structuration de la médecine de manière globale ? Le gouvernement vous apporte-t-il un appui ?

Le soutien, pas encore. Étant encore dans le quartier comme on peut dire, l’État considère comme la médecine du village. Certains prennent en compte parce qu’ils ont vu vraiment les preuves, et d’autres ne le prennent pas. Nous sommes en train de faire une démarche par l’intermédiaire de notre Président national des tradipraticiens, le patriarche ESSOMBA Marius, qui a longtemps oeuvré pour la reconnaissance de la médecine traditionnelle au Cameroun, qui pourrait vraiment être en bonnes collaborations avec la médecine moderne, si bien que aujourd’hui, le dossier se trouverait au niveau de l’Assemblée nationale, qui aurait même déjà atteint le premier ministère. Dans les prochains jours si le bon Dieu le veut, l’Assemblée pourra envoyer à la Présidence de la République, puisque ça sortira sous forme d’un décret présidentiel. Nous avons des documents qui attestent cette reconnaissance par la charte de la médecine traditionnelle.

Revenons à la collaboration avec la médecine moderne, est-ce qu’il vous arrive de vous servir ou d’avoir besoin des examens des laboratoires modernes pour votre travail ?

Bien sûr que oui, et c’est très normal et logique. Lorsque nous recevons un malade, soit quelqu’un vient nous solliciter pour les traitements traditionnels, nous nous rassurons qu’il était à l’hôpital avec son malade. S’il est passé par l’imagerie pour que nous puissions voir son cliché pour voir quelle est la nature de sa fracture afin de savoir comment placer les os. Bien sûr qu’après traitement, l’intéressé est libre de retourner à l’hôpital pour refaire le contrôle pour voir si c’est bon ou pas. Et d’aucuns qui en savent plus et gardent confiance, dès qu’ils marchent déjà, ils se disent que ça ne sert plus à rien d’aller à l’hôpital pour rien. Même les footballeurs aussi, ils sont nombreux au Cameroun et ailleurs qui sont passés par ici. Ils s’en sortent, sans anomalies. Donc, nous exigeons toujours la radiographie pour nous assurer.

Avez-vous une idée du nombre des malades que vous avez déjà eu à soigner à votre actif ?

Je ne peux pas vraiment dénombrer. Ils sont nombreux. N’eût été la paresse de mes enfants qui sont appelés à recenser les malades dans le registre, je suis sûr que ce registre aurait fait son plein au moins deux fois ou trois fois même. Ils sont beaucoup. Je ne peux pas vraiment dénombrer. Dans le Cameroun et à l’extérieur, ils sont beaucoup.

Et ces malades qui partent, reviennent-ils vous voir très souvent en guise de reconnaissance ?

En effet oui, ils reviennent. Ils sont vraiment reconnaissants. Même ceux qui ne viennent pas parce qu’ils sont loin nous envoient d’autres malades et je pense que ça fait partie de la reconnaissance. D’autres reviennent personnellement nous remercier sur place et d’autres appellent. Ils sont beaucoup.

Alors, celà a été un don du grand-père et vous avez évoqué les enfants tout à l’heure qui vous assistent. Est-ce que ces enfants sont préparés à assurer la relève quand vous n’aurez plus assez de forces pour faire ce travail ?

Effectivement. Ils sont déjà beaucoup formés. D’autres ont même déjà leurs cliniques privées et ils ont déjà leurs papiers officiels, parce qu’on doit s’installer étant officiellement reconnu. Celui-ci à côté de moi, je peux dire que ici dans la clinique Njoya et fils, c’est lui qui est mon bras droit. Il a même déjà sa carte de la médecine traditionnelle reconnue par le bureau national des tradipraticiens, le Cosmetrac, conseil supérieur de la médecine traditionnelle du Cameroun.

Interview réalisée par Sébastien ESSOMBA

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