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Alioti Sheida/Décès de Claude NDAM: “C’est aujourd’hui que je ressens la responsabilité qu’il m’a léguée”

Le griot moderne Claude NDAM a cassé sa guitare en fin de semaine dernière. Parmi ses plus proches dans la musique, l’artiste musicien Alioti Sheida. Dans une interview accordée à notre rédaction, le père de “,To day na to day” nous relate les moments qu’ils ont partagés ensemble, non sans relever la grosse responsabilité que son ainé et modèle lui a laissé dans l’encadrement de la jeune génération. Voici l’entretien.

Le Cameroun a été à nouveau frappé par la disparition de l’artiste musicien Claude NDAM. Comment avez-vous accueilli son décès ?

J’ai accueilli la nouvelle tristement. C’est vers 04 heures le matin que quelqu’un de la famille m’a appelé pour me dire que Claude était décédé vers minuit et il a été gardé à la morgue de l’hôpital central de Yaoundé. Dès lors je suis sans voix. C’est une nouvelle très triste pour moi et qui m’abat.

Vous avez partagé beaucoup de moments. L’homme et l’artiste, que retenez vous de lui ?

J’ai connu Claude NDAM en 1989. Ça fait aujourd’hui 31 ans. A l’époque je travaillais dans l’orchestre de Joli Tezano comme guitariste. C’est en ce moment là que de temps en temps j’allais vers lui parce qu’il venait de sortir l’album “U ngouo ya”. Il est parti en France enregistrer et quand il est revenu je l’ai connu à travers certains amis. C’est comme ça qu’il m’a adopté et ça tombait bien puisque nous appartenions à la même tribu. Il était plus encré dans la musique fondamentale et moi je faisais une autre musique. Mais chaque fois je partais chez lui à Messa (Yaoundé) et il m’enseignait les choses de la musique. J’ai appris chez lui comment entretenir et maintenir un public, comment fidéliser un public. Ce que j’ai retenu de lui c’est l’humilité. Claude était très humble, il était musicien, uniquement musicien ; il n’avait pas d’autres choses. Il était très humble et je garde de lui cette humilité. C’est vraiment avec les larmes que je parle de lui aujourd’hui au passé.

Quel héritage laisse-t-il à la musique Camerounaise en général et celle du Noun en particulier ?

La grande œuvre qu’il a laissée, c’est-à-dire que ses musiques, vous savez qu’il avait fait un clein- d’œil à la musique d’ailleurs. Il a travaillé les œuvres de Pierre Claver Ake Dengue et il a donc jumelé cette musique fondamentale africaine à la musique fondamentale bamoun et ça a donné ce que ça a donné. Quand tu écoutes Claude NDAM, le principal instrument qu’il avait était sa voix. Les gens pensent que c’est la guitare. La guitare est accessoire et accompagne sa très belle voix. La belle voix unique, c’est ça qu’il a laissé, la grande œuvre et cette œuvre là est immortelle. Claude a même été élevé au titre de Nji, et chez nous les bamoun, quand le roi t’élève à ce rang c’est que tu as œuvré pour le peuple. Claude a laissé ça aussi. Il faut également dire qu’il n’y avait jamais eu un quorum des musiciens bamoun atteint sans Claude. Sinon le quorum n’est pas atteint. C’est ce vide que nous avons maintenant et on ne sait pas comment on va le combler. A dire vrai Claude a porté la musique pendant plus de 30ans.

Revenons sur vos rapports en particulier. L’ayant beaucoup côtoyé, qu’avez-vous gagné concrètement auprès de lui ?

J’ai beaucoup bénéficié près de lui: les spectacles et les tours que j’ai eues à faire au delà du pays. Chaque fois qu’on l’invitait, en France, en Belgique, à Amsterdam ou au Canada, pourqu’il soit à l’aise il inserait toujours mon nom. J’ai aussi gagné que, une nuit je dormais et à 23 h mon téléphone sonne et c’était lui. Il m’a dit ” Alioti, vous la jeune génération sachez que c’est à vous que je donne le brassard.” C’est aujourd’hui que je ressens cette charge là, cette responsabilité qu’il nous a laissée.

Et en terme de collaboration qu’avez-vous fait ensemble ?

On avait un projet de sortir un recueil de cantique. On a déjà travaillé mais malheureusement on n’a pas enregistré. Néanmoins on a fait des œuvres collectives ensemble. Nous avons travaillé L’album ” Ndou Fueshe” de Didi BEBE qui est sur le marché.

Comment vous entendez donc gérer la responsabilité qu’il vous a léguée dans l’encadrement de la jeune génération musicale dans le Noun ?

Il faut déjà que la jeunesse accepte qu’on l’encadre. Je pense qu’il ne s’agit pas seulement de la musique du Noun, mais de la musique fondamentale, parce qu’il est question de relever le défi, de rehausser et de vendre la culture. Et j’espère que les gens vont nous soutenir.
Une autre chose, on ne peut pas parler de Claude sans parler de difficultés. Il meurt sans avoir célébré ses 30 ans de carrière qu’il avait en projet. Il nous a manqué les mécènes alors que le roi avait déjà accepté le parrainage. C’est aussi la grande difficulté.

Néanmoins je pense que nous allons pouvoir le faire à titre posthume. Ça serait l’occasion pour tous ces artistes de magnifier le talent de Claude.

Un message à la jeunesse?

Oui, je voudrai conseiller à la jeunesse artistique du Noun de se pencher sur les œuvres traditionnelle. Ça s’appelle le folklore. Elles sont très riches. Regardez, Claude n’avait besoin que de sa bouche et de sa guitare. Ils doivent savoir qu’ils ne peuvent pas mieux chanter la musique d’ailleurs comme les gens de là. Les jeunes doivent revenir à la charge.

Merci pour votre disponibilité Alioti Sheida

C’est moi qui vous remercie pour ce privilège.

Interview réalisée par Césaire MOULIOM

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