DOSSIER

S.M Sokoundjou Jean Rameau : “La tradition doit être respectée à la chefferie Bangou pour que le fils de Kemayou puisse succéder à son père”

Au sujet de la guerre de succession qui fait l’actualité à la chefferie supérieure Bangou, le roi de Bamendjou, S.M Sokoundjou Jean Rameau a clairement fait ressortir sa position. C’était dans une interview exclusive qu’il a accordé à notre rédaction.

S.M, la situation reste tendue à Bangou. On dirait deux chefs pour un trône. Quel est le commentaire que vous faites sur cette réalité à la chefferie Bangou?

Merci pour votre initiative de me rencontrer au sujet de ce problème. De par mon règne depuis 1953 à la chefferie supérieure Bamendjou, surtout que je m’intéresse aux problèmes de la région de l’ouest et même du Cameroun. Je vous remercie parce que ça me donne l’occasion de savoir que nous combattons ensemble et que le public soit aussi informé de la réalité. C’est surprenant que depuis un certain temps l’on se mêle à des problèmes de chefferies à l’ouest. Voilà que finalement ,peut-être pour la première fois nous assistons à deux La’a kam dans un groupement à l’ouest alors que ça ne s’est jamais arrivé à ma connaissance, à moins que d’autres personnes mieux placées nous disent dans quel groupement cela a eu lieu. Mais à ma connaissance c’est totalement en violation de nos us et coutumes Bamiléké parce que les coutumes Bamiléké obéissent à un certain nombre de choses que le public ignore. Ce n’est pas le beau matin qu’on se lève pour aller au La’a kam, ce n’est pas un beau matin qu’on se lève et prétend être chef. Pour être chef on respecte un certain nombre de critères, et ces critères ne sont pas inventés, ils sont parfois naturels .

Lors de notre dernier entretien, vous disiez que vous adoubez le chef issu de la lignée Kemajou, vous annonciez en filigrane devoir faire le déplacement à sa sortie du La’a kam. Mais on ne vous a pas vu à sa sortie. Est-ce à dire que vous avez pris du recul, et que vous avez changé d’opinion?

Non! Je confirme encore une fois de plus que je suis celui-là qui mène le combat contre tous ceux qui tendent à violer la tradition Bamiléké parce que j’ai des comptes à rendre aux ancêtres. C’est pourquoi je n’ai même pas besoin de quelqu’un, je n’attend l’assistance de personne pour m’aider dans ce combat.
Je demande d’ailleurs à tous les autres chefs de se joindre à moi pour qu’ensemble nous disions non à ceux qui veulent se mêler aux problèmes de la chefferie. En ce qui concerne la Chefferie de Bangou, le chef Kamayou était même mon ami. Je ne dis pas que je l’ai appris, c’était mon ami, on est ensemble et j’ai eu même à dire que à propos de son enlèvement à la chefferie, je suis témoin oculaire, je suis mieux placé pour expliquer à ceux qui veulent la manière dont il est parti, soit disant qu’il était en exil. Je dis non, il ne s’est pas exilé. Je continue à dire qu’il a quitté la chefferie de force. Je reprecise qu’à l’époque les maquisards disaient qu’ils les enlevaient pour les protéger pour que l’armée ne les tue pas et dire que ce sont eux les meurtriers. Je reprecise encore que j’avais eu à les poursuivre avec les forces de l’ordre pensant les libérer mais je n’ai pas réussi.

Majesté de manière précise, le chef que vous avez dit soutenir lors de la rencontre précédente est sorti du La’a kam mardi. Pourquoi vous n’étiez pas là?

J’avais même organisé, je devais descendre là avec une délégation de plus de cinq cents (500) hommes pour manifester notre reconnaissance et notre joie parce que l’ordre est rétabli, mais c’est le grand patron de la région qui m’a demandé de sursoire ma présence. C’est pour cette raison que je n’étais pas présent .

Justement ça pose problème Majesté : vous représentez le dernier rempart de la tradition à l’ouest. Vous n’êtes pas allé adouber le chef intronisé selon les us et coutumes Bamiléké, dites-vous à cause des injonctions de l’autorité administrative. Est-ce qu’il n’y a pas contradiction?

Non! Il n’y a pas contradiction parce que je ne dois pas aller faire la force avec l’administration qui est chargée d’assurer la sécurité des hommes et des biens. Cela ne veut pas dire que l’administration veut s’ingérer à l’intronisation d’un chef traditionnel. J’ai eu à répéter que dans la décision qui homologue mon intronisation signée par le haut commissariat français au Cameroun, il est bien précisé que j’ai été intronisé selon les us et coutumes Bamiléké. Donc je ne pense pas que l’administration a déjà violé ces coutumes. Je pense qu’à la chefferie Bangou cette tradition sera respectée et que le fils de Kamayou puisse succéder à son père .

Permettez majesté qu’on insiste sur la question; le propos que vous avez tenu tout à l’heure, on a eu le sentiment que vous défendez désormais l’administration. Pourtant la posture qu’on connaît de vous c’est que tous les problèmes qu’il y a à Bangou sont dûs à l’ingérence de l’administration et des élites locales. D’où vient-il que vous nous dites aujourd’hui que vous respectez l’injonction de l’autorité administrative ?
N’y a-t-il pas une fois de plus contradiction ?

Je ne pense pas jusqu’à là qu’il y a contradiction. J’ai toujours manifesté mon mécontentement pour ce qui est de l’ingérence de l’administration dans l’intronisation dans les chefferies. Cela ne veut pas dire pourtant que je suis contre le rôle de l’administration. Pour le cas de Bangou, je pense qu’il faut permettre à l’administration de situer la population face à leur responsabilité. C’est-à-dire que qui a droit à quoi, si c’est l’administration qui a droit, si c’est la tradition qui a le droit ? Si c’est la tradition qui a droit je pense que l’administration a le temps de nous laisser le terrain libre et que le chef Bamendjou puisse, en guise de reconnaissance de la régularité de l’intronisation du chef Bangou s’y rende comme la tradition le veut suivant les relations entre les chefferies.

Vous êtes en train de nous dire que vous irez à Bangou?

Oui bien-sûr ! Jusqu’à présent j’attends juste l’occasion.

S.M à présents il y a deux faits, deux chefs; Qu’est-ce qu’on fait?

Non ! Je pense qu’il n’y a pas deux chefs. Il faut laisser le temps à la population d’apprécier et je ne pense pas que les populations soient en train de reconnaitre deux chefs .

Que pensez-vous de l’implication de l’élite politique et de l’élite économique dans les affaires d’intronisation dans les chefferies de l’ouest?

Je suis contre leur rôle dans les chefferies parce que à ma connaissance ni l’élite politique, ni l’élite économique n’ont pas place dans l’intronisation d’un chef en pays Bamiléké

Ces derniers temps vous avez été pris en partie par quelqu’un, le professeur Tchola Pour ne pas le nommer. Il estime que c’est de l’ingérence que le chef supérieur Bamendjou donne son avis sur cette succession à Bangou. Que lui repondez-vous?

Je pense que c’est maladroit de sa part. Peut-être il ne s’est pas informé des relations qui existent entre la chefferie Bamendjou et la chefferie Bangou. Je profite pour lui demander de se renseigner auprès d’un notable Bangou, “Mù Nkam Magnue” de celui-ci dans ces relations. Je ne pose pas les actes au hasard. Comme toutes les autres élites, son propos n’engage que lui et je ne pense pas qu’ils soient en harmonie avec les populations de ce côté.

Quelles sont donc les relations qui existent entre les deux chefferies?

Les relations sont très anciennes, avant que je ne succède à mon père. J’ai suivie l’histoire et donc je n’improvise rien. Et même si j’improvisais; à la mort d’un chef, les autres reconnaissant ce chef s’y rendent pour manifester leur reconnaissance à la sortie du La’a kam. N’eût été l’autorité administrative ne n’aurai pas eu besoin de quelqu’un pour m’y rendre. Ça devait peut-être soit pour maintenir la relation ou pour en créer. Voilà comment ça se passe en pays Bamiléké.

Entretien réalisé par Césaire MOULIOM

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