En ce 6 juin 2025, jour de Tabaski, la communauté musulmane du Cameroun célèbre avec foi et ferveur une fête majeure de l’islam, ancrée dans le sacrifice, la fidélité et l’obéissance à Dieu. Mais cette année, la Tabaski tombe à un moment charnière de notre histoire politique : une année électorale aux allures d’épreuve pour la République, où les tensions sont vives, les fractures profondes, et les risques de débordements bien réels.

Le Cameroun va mal. Il suffoque sous le poids des injustices, des frustrations sociales, de l’arrogance des élites politiques, du tribalisme distillé à dessein, et de la méfiance généralisée à l’égard des institutions. Dans les villes comme dans les campagnes, le peuple est aux aguets. La moindre étincelle peut embraser un pays fatigué de tant d’années de souffrance et de désespoir.

Et pourtant, aujourd’hui, la Tabaski nous enseigne un autre chemin : celui du renoncement à la violence, de la confiance en une force supérieure, et surtout, de la capacité à sacrifier son égo pour le bien commun. Où sont nos dirigeants capables d’un tel sacrifice ? Où sont les responsables politiques prêts à mettre fin aux manipulations électoralistes, à abandonner le clientélisme, à respecter le choix souverain du peuple ? Où sont les institutions suffisamment indépendantes pour garantir des élections libres, transparentes, et acceptées de tous ?

Nous lançons ici un cri d’alerte, mais aussi un appel à la conscience. Nous ne voulons pas de sang. Nous ne voulons pas d’une génération sacrifiée dans la rue pour réclamer ce qui devrait être un droit : le droit à une alternance démocratique, à une gouvernance responsable, à une justice impartiale. Nous voulons un Cameroun qui célèbre la Tabaski dans la paix, mais qui prépare aussi l’élection dans la vérité.

Car il ne peut y avoir de paix durable sans justice. Il ne peut y avoir de stabilité sans légitimité politique. Le respect des croyances, des fêtes religieuses et des valeurs spirituelles n’a de sens que s’il s’accompagne du respect de la dignité humaine, de la souveraineté populaire, et de l’intérêt général.

Nous en appelons donc à la lucidité des citoyens, à la vigilance des jeunes, au courage des femmes, à la responsabilité de la diaspora, et à la sagesse des leaders religieux. La paix n’est pas la soumission. La paix n’est pas le silence face à l’injustice. La paix, c’est la volonté de bâtir un avenir meilleur sans violence, mais avec fermeté, courage et engagement collectif.

En cette Tabaski, que chacun, à sa manière, prépare le sacrifice utile, celui des ambitions personnelles pour le bien de la Nation. Que l’on sacrifie le mensonge, la peur, le tribalisme et la haine sur l’autel du renouveau démocratique. Le Cameroun peut encore éviter le chaos. Mais il faut choisir. Et vite.

Bonne fête de Tabaski à tous les croyants. Que nos prières se transforment en actes de courage et de transformation.

Houzerou NGOUPAYOU