Présidentielle 2025 : Les jeux troubles des prélats

Au lendemain de la présidentielle du 12 octobre 2025, alors que le pays retient encore son souffle dans l’attente des résultats officiels, la récente sortie de l’évêque de Bafoussam, Mgr Paul LONTSI, a fait l’effet d’un pavé dans la mare. En invitant, à mots à peine voilés, l’État central à reconnaître la “victoire du peuple” incarnée par le candidat Issa Tchiroma Bakary, avant même toute proclamation du Conseil constitutionnel, le prélat s’est engagé sur un terrain politique glissant, voire dangereux.
Ce type de prise de position interroge le rôle, la neutralité et même la crédibilité de l’Église catholique romaine dans un contexte aussi tendu que celui que traverse le Cameroun. L’institution, censée être une boussole morale, semble désormais hésiter entre le devoir de prophétie et la tentation d’ingérence. Car déjà, bien avant cette élection, plusieurs évêques s’étaient distingués par des sorties virulentes à l’encontre du régime en place, n’hésitant pas, en pleine homélie, à déclarer qu’« il vaut mieux que le diable prenne d’abord le pouvoir » , un propos pour le moins surprenant de la part d’hommes de foi censés prêcher la paix et l’espérance.
Certes, on peut comprendre la lassitude d’une partie du clergé face aux injustices sociales, à la pauvreté chronique et à l’absence d’alternance politique. Mais confondre la chaire ecclésiale avec une tribune partisane, c’est prendre le risque d’affaiblir l’autorité spirituelle de l’Église et de fracturer encore davantage une société déjà divisée. L’histoire récente montre combien les prises de position religieuses dans le champ politique peuvent attiser des passions, alimenter les rancunes et précipiter les crises.
Aujourd’hui, alors que les Camerounais aspirent avant tout à la paix et à la stabilité, le devoir des prélats n’est pas de souffler sur les braises, mais d’aider à calmer les esprits. L’Église, si elle veut demeurer fidèle à sa mission évangélique, doit redevenir ce pont entre les citoyens et les institutions, et non un acteur de plus dans la mêlée politique.
Le moment est donc venu de repenser les relations entre l’Église et l’État. Non pas pour museler les voix religieuses, mais pour mieux encadrer leur expression publique dans un contexte où chaque mot peut embraser la nation. Car si les prélats, censés être gardiens de la paix intérieure, deviennent eux-mêmes les artisans des tensions sociales, qui restera-t-il pour rappeler à la raison et à la fraternité ?
Houzerou NGOUPAYOU