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L’unité sous surveillance : Faut-il encore faire confiance à l’armée et à la police camerounaises ?

Alors que le Cameroun célèbre ce 20 mai 2025 sa 53e fête nationale de l’unité, une question dérangeante hante de plus en plus les esprits. Que reste-t-il en effet de la confiance entre la population et les forces de sécurité ? L’armée et la police, censées garantir la paix, la sécurité et l’intégrité territoriale, semblent aujourd’hui entretenir avec les citoyens un rapport trouble, voire menaçant.

Dans les parades colorées de cette célébration hautement symbolique, les uniformes rutilants, les véhicules blindés et les démonstrations de force font illusion. Mais derrière le vernis festif, une réalité inquiétante persiste ; celle d’une militarisation croissante de la société, d’une police souvent perçue comme une force d’oppression plutôt que de protection, et d’une armée dont l’engagement frôle parfois l’arbitraire.

Le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, en crise depuis 2016, bien que les choses vont s’améliorant, restent les symboles les plus frappants de cette fracture. Si l’armée y a été déployée pour restaurer l’ordre, les témoignages d’exactions, d’arrestations arbitraires, de villages incendiés, d’humiliations et de traitements inhumains se sont multipliés. Des brebis galeuses nous dira-t-on. Mais toujours est-il, dans ces zones, la peur de l’uniforme dépasse parfois celle des séparatistes. Une triste réalité, malheureusement. Le silence des institutions judiciaires et l’impunité persistante jettent une ombre sur la prétendue neutralité républicaine des forces armées. Il est clair que dans cette peinture aussi macabre, tout n’est pas que sombre. On compte dans les rangs de cette armée des esprits brillants, qui s’évertuent à faire au moins la différence.

En zone urbaine, c’est la police qui cristallise les tensions. Détournement de procédures, extorsions de fonds, contrôles musclés qui, en réalité ne sont que des occasions de raquettage, bavures mortelles, entre autres. Pour nombre de Camerounais, la police n’est plus qu’un outil au service des puissants, un instrument de chantage social, parfois même un danger. La chaude empoignade entre les ESIR et la population le 1er mai dernier, au lieu dit feu rouge à Bafoussam, où un conducteur de moto a failli laisser sa peau, en est une parfaite illustration.

Le problème ne réside pas seulement dans les actes isolés, mais dans une culture de l’impunité, nourrie par l’absence de réels mécanismes de contrôle et de reddition de comptes. Quelle autorité indépendante enquête sur les abus ? Quelle institution sanctionne les fautifs ? Les réponses restent floues, voire inexistantes.

L’armée et la police sont pourtant les piliers d’un État digne. Elles doivent être les garantes de l’unité, non les agents de la peur. Il est donc urgent d’ouvrir un débat national franc sur leur rôle, leur formation, leur encadrement, et surtout leur rapport avec la population. Car une unité nationale ne se décrète pas, elle se construit par la confiance. Et cette confiance ne se gagne pas à coups de fusils ou de matraques, mais par la justice, la transparence et le respect des droits humains.

Ce 20 mai ne devrait pas être seulement un jour de célébration, mais aussi un moment d’introspection. Quelle unité célébrons-nous si ceux qui doivent la protéger deviennent ceux qui la menacent ? Une refondation profonde de nos forces de sécurité est non seulement souhaitable, elle est indispensable.

Houzerou NGOUPAYOU

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