La politique du Kan-wa’a : Comment construire tous ensemble un Cameroun nouveau ou exemplaire
Une vision de Jean de Dieu Momo, Président national du Paddec, qui s’adresse aux forces politiques, aux fins du changement du paradigme pour un Cameroun nouveau.
Le 06 Novembre 2022, le président national du PADDEC a été invité à la célébration du quarantième anniversaire de l’accession du président de la République à la magistrature suprême. Y étant il a noté avec satisfaction que les Autorités politiques de la Lekie avaient également convié entre autre à cette célébration les acteurs politiques de la Lekie et notamment Celestin Bedzigui et Atangana dont les partis d’opposition sont représentés à la mairie de Monatele. Ce faisant ces Autorités politiques avaient mis en pratique la politique de RASSEMBLEMENT que prône le RDPC. Par ailleurs il n’a pas fait une erreur regrettable de CONFONDRE la fête du président à la fête du parti!
Ailleurs le seul Ministre de la MENOUA n’a pas été invité par les politiciens locaux dont certains confondent ACTIVISME et POLITIQUE. Tout ce qu’on a retenu là-bas et lu dans les journaux est que le bureau du MRC y a été installé à cette occasion.
Or l’union sacrée autour du président de la république devient un impératif pour ceux qui pensent globalement et non localement à leur petite mairie.
Au moment où se profile dans un horizon lointain mais certain le spectre de la transition politique au Cameroun, tous les leaders politiques sont unanimes dans leurs discours publics qu’il faut construire ensemble un Cameroun nouveau ou exemplaire qui conduise notre peuple à l’émergence en 2035.Ceci est un discours fédérateur auquel adhère l’ensemble de notre peuple.
Mais qu’est-ce que construire un Cameroun nouveau veut dire exactement ? Et que signifie construire un Cameroun exemplaire ? N’est-ce pas ontologiquement la même ambition ? Le même rêve que les acteurs nourrissent pour leur pays ?
Pour parvenir à la construction, ensemble, de notre pays, il est impérieux de lier les contraires pour faire en sorte que nos oppositions idéologiques et politiques fédèrent autour d’un minimum. On ne peut pas construire ensemble ce pays si les uns vont à gauche et d’autres à droite, ou si les uns montent pendant que les autres descendent (dans la rue). En effet, l’eau et l’huile ne se mélangent pas, l’huile restera toujours à la surface de l’eau, gluante et visqueuse. Mais par une opération chimique consistant à introduire dans ce mélange le sel gemme (Kan-wa’a) nos ménagères obtiennent un mélange de l’huile et de l’eau sous la forme de la sauce jaune pour manger le taro.
Les leaders politiques qui aspirent à l’union dans la construction de notre pays doivent apprendre à mettre de l’eau dans leur vin, mieux à introduire le Kan-wa’a dans leur sauce politique pour prétendre construire avec l’ensemble. Dans le cas contraire, ils resteront toujours sur le trottoir de la politique pour regarder les autres acteurs bâtir ce pays seuls.
Une lecture anthropologique de la politique dans notre pays permet d’asseoir cette assertion pour valider la politique du compromis, autrement appelée ici la politique du Kan-wa’a:
1°) Comme chacun sait l’UPC a été le premier parti politique camerounais à s’illustrer par une politique de violence dans les jeunes années de la création de notre pays, au point de créer une armée de libération Nationale. Ses partisans ont sévi dans le maquis pendant plusieurs années au début causant de nombreuses souffrances aux populations que pourtant ce parti politique ambitionnait d’aider. Beaucoup de ses militants sont morts en martyrs de l’indépendance, dans une guerre de libération qui a meurtri tout le pays. D’autres se sont exilés dans les pays étrangers dans lesquels ils ont vécu cahin-caha, loin du berceau de leurs ancêtres.
Advenu le retour au multipartisme en 1990 et sous la conduite de Frédéric Augustin Kodock, d’abord radical au départ dans l’union pour le changement, ce leader s’est par la suite déradicalisé et a assoupli la posture rigide de l’UPC. Il a, ce faisant introduit son parti dans le chantier de construction nationale et enrichi son parti de nombreux ministres, parlementaires et d’autres élus. L’UPC a ce faisant participé effectivement à la construction nationale grâce à cette politique du Kan-wa’a ; ce qui n’avait pas été possible avec l’ancienne politique funeste de la rébellion et de la rigidité cadavérique.
2/ Le deuxième exemple nous est fourni par l’UNDP dont le leader Bello Bouba Maïgari au départ rigide en 1992, a par la suite assoupli sa posture tournant le dos à la politique du « tout ou rien » pour lui préférer celle de « mieux vaut un tien tu l’as que deux tu l’auras ». Depuis lors, l’UNDP a participé avec succès à toutes les compétitions électorales et engrangé les Mairies, conquis le parlement et dernièrement les Régions. L’UNDP dispose en effet dans l’appareil de l’Etat et du gouvernement, d’un Ministre d’Etat, d’un Ministre Secrétaire d’Etat, d’un Sénateur, de plusieurs députés au parlement, de la présidence régionale et des Maires, adjoints au Maire et des Conseillers municipaux dans son escarcelle politique.
3/ Le SDF constitue un troisième exemple qu’on ne peut éluder dans l’illustration de cette politique du compromis sans compromission. Chacun se souvient de l’époque de la rigidité politique au sein du SDF avec son slogan « power to the people » où le poing levé de la révolution, ses partisans, engagés dans une mobilisation politique sans précédent, réclamaient véhémentement le changement par la force physique des villes mortes et autre Biya must go ! Notre pays a été au bord de la guerre civile à cause de cet extrémisme politique et nous avons tous couru le risque de détruire notre jeune nation encore en construction. Heureusement que ce leader a depuis compris tout l’intérêt d’une politique pacifique et républicaine. Il a compris que nos différences ne doivent pas être la source de nos conflits mais peuvent et doivent constituer le ciment sur lequel se bâtit notre pays dans toute sa diversité.
4/ Le quatrième exemple qui illustre cette politique du compromis ou du Kan-wa’a et qui, loin de la politique du vendre dont parle Jean François Bayard, consiste à abandonner les positions extrémistes et révolutionnaires pour embrasser celles plus républicaines, plus constructives, eh bien ce quatrième exemple est sans conteste le PADDEC dont la rigidité inflexible du leader était avérée.
Depuis 2018 qu’il a compris ce que construire ensemble veut dire, il a résolument tourné le dos à « la violence révolutionnaire acquise » par contamination, pour entrer dans le chantier de la construction nationale. Pour avoir compris tout l’intérêt de la politique républicaine du compromis, ce jeune parti politique, le PADDEC, dispose désormais dans le prestigieux appareil d’Etat pour la construction nationale, d’un siège de Ministre Délégué au gouvernement.
Une partie de son électorat égarée par le changement brusque de cap politique s’était éloigné pour rejoindre des partis plus radicaux. Elle a depuis compris son erreur et est revenue au bercail comme l’enfant prodigue de la Bible, au constat de ce que « la politique du construire ensemble » comme celle du « vivre ensemble », exige de chacun d’entre nous de quitter ses postures rigides, d’introduire par une opération de chimie politique un peu de Kan-wa’a dans sa sauce politique afin de créer le lien entre l’huile et l’eau.
Ces exemples tirés de l’anthropologie politique nationale démontrent que nous pouvons taire nos différences pour créer le lien, puisque la différence crée le lien, de la même manière que l’homme et la femme permettent l’enfantement du nouveau-né. Et comme nous l’avons fait durant la CAN Total Energies 2021 que le Cameroun a abrité à la satisfaction générale et au grand dam des contempteurs de notre pays, nous n’avons pas à exposer notre nudité politique à la face d’un monde cruel aux dents lacérées, et prêt à nous détruire.
A l’avant-aube de la transition politique dans notre pays et pour joindre nos discours aux actes politiques visant à construire ensemble, chaque leader politique doit mettre le Kan-wa’a dans sa sauce politique pour éviter à notre pays d’entrer, comme en 1960 et 1990, dans une spirale de la violence destructrice et improductive, au regard du sort funeste des acteurs de « la politique des extrêmes ». La transition politique est une période aussi délicate que le moment de l’enfantement d’un nouveau-né que nous ne devrons pas étrangler à la naissance en tuant la mère sur la table d’accouchement.
(c) Dr Momo Jean de Dieu, déc 2022