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Ibrahim Mbombo Njoya : Le roi que les Bamoun n’attendaient pas !

L’arrivée aux affaires de sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya au trône de Nchare Yen fut l’objet de beaucoup de controverses. Mais très vite, il parviendra à arracher l’amour d’un peuple Bamoun jaloux de sa tradition. Parcours héroïque et atypique d’un monarque emblématique et charismatique qui aura marqué son règne.

L’histoire du peuple Bamoun est liée à une dynastie, celle de Nchare Yen, prince Tikar venu de Rifum vers le 14ème siècle. Guerrier, Nchare se fit introniser comme roi par ses frères puis s’installa définitivement à l’actuel site dénommé Foumban. Des monarques se succédèrent, puis vint le tour du Sultan Ibrahim Mbombo Njoya, puissant Roi des Bamoun, décédé à Paris le 27 septembre 2021. Fils du Sultan Seidou Njimoluh Njoya, 18ème roi de la dynastie, le Prince Mbombo Njoya a été très tôt introduit dans les couloirs de l’administration, du commandement, de la diplomatie et de la politique. Après avoir bénéficié de plusieurs nominations au sein du gouvernement camerounais, son dernier poste ministériel fut celui en charge avec les assemblées. Le Ministre Ibrahim Mbombo Njoya démissionna de ce poste à la faveur de son accession au trône de Nchare Yen comme 19ème roi de la dynastie Bamoun. Ce fut le 09 août 1992, après le décès de son papa, le Sultan Njimoluh Seidou.

UN PRINCE DISTANT DES SIENS !

D’après des sources bien informées, le Prince de Foumban recevait difficilement l’assentiment de ses compatriotes, au regard de la distance qu’il observait à l’égard des Bamoun. Quand il était aux affaires, “Nji Mbouombouo” ne s’affichait pas trop dans les milieux Bamoun. Il n’était pas très proche des ressortissants du Noun. Néanmoins, un aspect curieux marquait toujours notre attention. Malgré le fait qu’il ait pris pour épouse une femme d’une autre tribu, son entourage professionnel était majoritairement constitué des Bamoun. Ses gouvernantes, domestiques, secrétaires et particuliers, ses gardes du corps et chauffeurs étaient pour la plupart sélectionnés parmi les Bamoun. Il invitait la communauté Bamoun de Yaoundé à sa résidence située au bord du lac chaque année, pour la traditionnelle cérémonie de présentation de vœux, en sa qualité de première personnalité originaire du Département du Noun. Mais, il ne le faisait pas mieux que Jean Fochivé, le mythique Chef de la police secrète  camerounaise, originaire lui aussi du même Département.

Fochivé entretenait ses compatriotes par sa largesse avec quelques billets de banque, un plat de nourriture ou une recommandation. Par contre, le Ministre Mbombo Njoya était dans son coin. Les Bamoun l’accusaient de ne pas trop souvent les recevoir pour diverses interventions.

LA JOURNÉE DU 09 AOÛT

Après le décès du Sultan Seidou Njimoluh Njoya à Paris en juillet 1992, les Bamoun attendaient le nouveau roi. Ils étaient loin d’imaginer que ”Monsieur le Ministre” (comme l’appelait souvent son papa), pouvait accéder au trône. Leurs regards étaient rivés sur le Prince Aboubacar Njiassé Njoya, Enseignant à l’Université de Yaoundé, musicien et homme de culture très proche du peuple. La communauté musulmane espérait voir le Prince Zounedou accéder au trône, pour accélérer l’islamisation totale du royaume. Ce prince était resté longtemps à la tête du Conseil Islamique, malgré certains griefs posés lors du pèlerinage à la Mecque quelques années plus tôt. Tous les pronostics étaient en défaveur du Ministre. Vint ce jour où les Nkom sortèrent du Palais avec un nouveau roi.

Ce fut le Prince Ibrahim Mbombo Njoya avec sa co-héritière, Momanfon Mamboune Rabiatou Njoya. Il s’assied sur le trône le plus convoité du royaume. Celui de Nchare Yen. Il a ainsi été désigné par son père et présenté par les Nkom, comme le 19ème Roi de la dynastie Bamoun. Ce jour là dans la cour de balafon, de nombreux assistants quittèrent les lieux. Les princes et princesses boudèrent l’allégeance au nouveau roi. Certains notables commencèrent à murmurer. L’information envahit le royaume. Ibrahim Mbombo Njoya est devenu le roi des Bamoun. Le pouvoir central de Yaoundé est accusé. Les gens crient la mascarade. Monsieur Omgba Damas, un magnat riche et ami de la famille, venu pour le deuil, est accusé de complot en faveur du nouveau roi. Jean Fochivé également. Les notables et les princes s’entrechoquent. Les gens prédisent une très courte durée au trône. L’opinion des Bamoun se divise. Des voix se lèvent en faveur d’une concurrence avec le cousin Adamou Ndam Njoya, qui vient de créer un parti politique. Mais Ibrahim Mbombo Njoya prît son calme et petitement en s’imposant au fil des temps, il devint le roi le plus adulé, mais surtout le plus protecteur de son peuple.

DES SIGNES, DES SYMBOLES ET DES ÉNIGMES

Les Bamoun n’ont pas souvent pigé les messages que leurs monarques passent aux quotidiens. Tenez : Lorsque le Président Paul Biya vint à Foumban pour une visite privée en 1985, le Sultan Njimoluh envoya son fils Ministre, l’accompagner au musée de Njiyouom, sous le prétexte qu’il est un peu fatigué. Le prince promena le Président dans plusieurs sites de la ville. Et le soir dans le Palais, Njimoluh organisa une soirée récréative lors de laquelle, seuls Ibrahim Mbombo Njoya et Momanfon Rabiatou sont autorisés à danser devant le Président. Quand Ibrahim Badamossi Babanguida, Président du Nigéria vint à Foumban pour une visite de courtoisie, après la prière du vendredi et de retour de la mosquée, le Sultan invita son fils Ministre à rentrer sous le Parasol qui couvrait les deux hommes. Lors de l’inauguration du statut du Roi Njoya, une photo des trois rois aurait été prise à la demande du Sultan Njimoluh. Tous ces gestes et énigmes sont toujours un message que le roi passe à son peuple. Aucun acte royal n’est anodin.

UNE CARRIERE PLEINE, UN PARCOURS EXCEPTIONNEL

La carrière de ce commis de l’État  ainsi que l’ensemble des œuvres au cours de son règne majestueux, s’inscrivent d’autorité sur la place réservée aux bâtisseurs respectés et vénérés. Durant toute sa carrière administrative et diplomatique dès l’âge de 26 ans et en 29 ans de règne, Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya aura effectué une série de réalisations positives. La construction à coup de milliards, du musée royal non encore inauguré, le rétablissement du NGUON, devenu une rencontre culturelle internationale incomparable, dont le dossier d’érection au titre de Patrimoine Immatériel de l’Humanité est en bonne posture à l’UNESCO, mais aussi l’aura de la dynastie qu’il a propulsé dans tout le monde entier.

Sébastien ESSOMBA

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