Hon Koupit Adamou : “Aucune proposition de loi par les députés n’a jamais prospéré au parlement camerounais”
Prenant part au séminaire de formation organisé à Bafoussam par l’Association Internationale Kofi Annan, le député Udc du Noun évoque les blocages qui entravent leur travail au parlement.
Hon Koupit Adamou, vous prenez part à un atelier sur l’élaboration des propositions de lois. En tant que député en fonction, pouvez-vous nous dire réellement quel est l’état des lieux au parlement, s’agissant de ce sujet précis ?
Les députés camerounais ont un problème réel. Le problème de blocage par rapport au droit que la constitution nous donne, à savoir, l’initiative de la loi appartient concomitamment au Président de la République et aux parlementaires que nous sommes. Or, au Cameroun, depuis l’ndépendance, la quasi-totalité des lois sur la base desquelles on gère le pays sont de l’initiative exclusive du gouvernement, donc du chef de l’État. Ce n’est pas parce que les députés ne déposent pas des propositions des lois, mais c’est tout simplement parce que la majorité etant issue du parti au pouvoir, il y a toujours ce blocage qui empêche les initiatives de lois venant des parlementaires de pouvoir prospérer. L’une des spécificités qu’on observe à l’Assemblée, c’est que les tentatives de lois ne viennent que de l’opposition. Pourtant vous avez en face dans la famille Rdpc toutes les immenses grises dans tous les domaines. Mais il faut se poser la question pourquoi ils ne déposent pas des propositions de lois. C’est simplement parce que pour eux, on est là pour aider le parti au pouvoir à obtenir ce que le parlement lui donne, et non pour faire valoir ce droit constitutionnel selon lequel, nous, en tant que ceux qui doivent légiférer les lois et contrôler l’action du gouvernement nous devons faire. Nous avons le droit d’initier et de déposer une proposition de lois qui puisse prospérer pour résoudre des problèmes que nous observons de plus près au sein de la population.
Quel est le plus qu’un séminaire comme celui-ci apporte à un député comme vous ?
Le plus que ça apporte est certain, c’est à dire renforcer la capacité en terme de rédaction des propositions de lois, en terme de différents pièges qu’il faudrait éviter. Il y a le piège de l’irrecevabilité. Donc, quand on est face aux techniciens de hauts volts comme ceux que la fondation Kofi Annan nous a offert, on ne peut que s’en féliciter et de penser qu’on sortira avec un plus pour pouvoir être à mesure d’éviter ces différents pièges là. Parfois on s’accroche sur une virgule pour rejeter votre proposition sur le fond. Je dois dire ici que le cheminement, ce qu’on appelle la navette parlementaire, le cheminement que dois suivre un projet ou une proposition de lois à l’Assemblée nationale, c’est que ça doit être déposé sur le bureau du président de l’Assemblée nationale, et lui il va juger de l’opportunité de soumettre ça à l’appréciation de la conférence des présidents. La conférence des présidents est l’endroit où on va juger recevable ou irrecevable le projet ou la proposition de loi. Et à ce niveau là, pour une virgule qui a manqué ou une virgule de trop, on va bloquer votre initiative et on va le juger irrecevable. Généralement la volonté politique est qu’on doit pouvoir bloquer, parce que sinon, on devrait prioriser le fond et non la forme. Donc, quand on est dans ce genre de séminaire, ça fait la fierté de pouvoir sortir avec nos capacités renforcées pour pouvoir éviter ce genre de petits pièges là, mais également de voir d’autres possibilités. Lorsqu’on bloque les initiatives, on croise les bras et on se dit que tout est arrêté. Maintenant je viens de comprendre que s’il y a blocage on peut aller plus loin, c’est-à-dire qu’on peut attaquer la décision de bloquer notre initiative. Je crois que c’est un plus important que cet atelier nous a apporté.
Propos recueillis par Sébastien ESSOMBA