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Fête du travail au Cameroun : le paradoxe d’un pays en mode survie

Ce 1er mai, comme chaque année, les rues de Yaoundé, Douala, Garoua ou Bafoussam… verront défiler des cortèges en uniforme, des banderoles colorées et des discours convenus célébrant “la valeur travail”. Mais derrière ces images festives, une autre réalité s’impose, celle d’un pays où le travail est devenu un luxe, et l’emploi décent, une rareté presque utopique.

Le Cameroun est confronté à un chômage structurel qui touche de plein fouet sa jeunesse. Les diplômés s’accumulent dans les rues, les fichiers Excel des concours publics et les groupes WhatsApp d’annonces d’emplois. Pour la majorité, le rêve de stabilité professionnelle s’éteint au fil des années d’attente, remplacé par une “débrouillardise” généralisée qui va de la vente de friperie au moto-taxi, en passant par les petits métiers informels.

Même les fonctionnaires, censés incarner la sécurité de l’emploi, ne sont pas épargnés. Beaucoup survivent avec des salaires qui peinent à couvrir les besoins les plus élémentaires. Loin d’être un vecteur d’épanouissement, le travail devient un terrain de frustration, de corruption, de tentations diverses. Il ne libère plus ; il enchaîne dans un cycle de précarité que l’État semble accepter, sinon encourager, par son inaction.

Le secteur privé, quant à lui, reste embryonnaire. Les PME se battent contre un environnement fiscal étouffant, un accès limité au crédit, et une concurrence déloyale souvent adossée à des intérêts occultes. La politique industrielle est absente, l’innovation marginalisée, et l’initiative pénalisée.

Face à cela, les travailleurs camerounais n’ont d’autre choix que d’inventer leur propre modèle. Un modèle où l’emploi est souvent synonyme d’exploitation, où la créativité sert plus à survivre qu’à prospérer. C’est un système basé sur l’informel, le provisoire, l’astuce, où le rêve d’un avenir meilleur se heurte au mur de la réalité économique.

La fête du travail ne devrait pas être une simple tradition de défilé. Elle devrait être un moment de vérité, d’interpellation, de remise en question. Dans un pays où le travail n’émancipe plus, où l’État peine à garantir un minimum de justice sociale, que reste-t-il à célébrer ?

Il est temps que la question de l’emploi soit remise au centre de la politique nationale. Non pas à travers des slogans ou des promesses de campagnes, mais par des réformes structurelles, une réelle volonté de transformation économique, et une revalorisation du travail dans sa dignité et sa fonction sociale. Car sans travail décent, il n’y a ni paix durable, ni développement. Il n’y a que la débrouille, l’exode, ou la colère.

Houzerou NGOUPAYOU

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