Événement de Ngarbuh : Le cartel de la guerre de communication hybride
Cet article est un récit chronologique et une analyse de la propagation des informations diffusées à travers plusieurs canaux sur l’affrontement survenu le 14 février 2020 dans le village de Ngarbuh dans la région du Nord-ouest du Cameroun. Dans cette région, l’Etat du Cameroun est en conflit contre des groupes terroristes séparatistes violents et armés.
Ces informations authentiques, inauthentiques, vraies, fausses, recoupées, modifiées ou rapportées ont été diffusées massivement sur un ensemble de comptes de réseaux sociaux d’activistes et d’organismes non gouvernementaux. L’Etat du Cameroun a mené une communication régulière à propos de cet incident dès le 17 février 2020.
Le 14 février 2020 à 19H 26, un compte sur le réseau social Twitter dont le pseudonyme est « @ngwange_ngala » publie un message dans lequel il écrit que des militaires ont « massacré » 22 civils dans le village Ngarbuh dans la région du Nord-ouest du Cameroun.
Pour étayer ses affirmations, ce compte affiche deux images tirées du réseau social Facebook et publiées par des comptes Facebook aux noms de « Ashu Kingsley » et « TownCryer Mehmood ». Le compte Facebook Ashu Kindsley affirme que 22 civils ont été « assassinés » par l’armée et parmi ces morts, il y a une famille entière de cinq personnes : le père, une femme enceinte et 3 enfants.
Quelques heures plus tard, le 14 février à 21H13 (GMT+1) le même compte Twitter « @ngwange_ngala » indique le chiffre de 25 femmes et enfants tués. Cette fois-ci, il met des images de corps dans son tweet. Des corps brulés et des corps d’enfants sans autre précision sur l’obtention de ces images. Sur certaines des images publiées par ce compte, la luminosité est importante, ce qui peut indiquer que les photographies de ces corps sont prises dans la journée du 14 Février à Ngarbuh.
Il faut tout de même noter que sur ces images d’enfants publiées sur le compte Twitter « @kwange_ngala », il y a des barres de défilement à gauche et à droite des images. Ces barres indiquent que ces images ont été récupérées à l’aide de « captures d’écran » sur une liste d’images défilantes sur un site Internet.
Le 15 Février à 16H56, le compte Twitter « @MantoZui » affirme que plus de 40 civils ont été exécutés, brûlés dans leurs maisons par l’armée. Ce compte est le premier à publier une photo montrant huit enfants, garçons et filles souriant. À quel moment a été prise cette photo ? Comment ce compte se l’est-il appropriée ? Cette photo s’est répandue de façon virale par la suite, sur les réseaux sociaux.
Le même jour, 15 février, le compte Twitter « @ngwange_ngala » publie un deuxième tweet en ajoutant cette fois-ci les images d’enfants issus du compte « Nzui Manto », avec en plus un montage de diverses images atroces d’enfants morts.
Il faut noter que ni la provenance de ces images, ni les circonstances de la mort de ces enfants ne sont indiquées. Sur ces images atroces, seul un bandeau est apposé pour orienter la perception du lecteur vers Ngarbuh. Ce bandeau comporte la phrase: « Victims of Ngarbuh Genocide ».
A 17H31 (GMT+1), le 15 février, le compte des activistes ambazoniens du « Southern Cameroons Amba Activists Front”, en abrégé « SCAAF » reprend les images publiées par tous les comptes précédents et les affiche sur son site en envoyant des notifications à un ensemble de leaders et d’organismes internationaux.
Le même jour, 15 Février à 18H30 (GMT +1), le compte Twitter Cameroon News Agency (@CMRNewsAgency) publie la photo des huit enfants souriants précédents et à cette photo, il ajoute une photo sur laquelle on aperçoit 3 enfants couchés et morts.
Une recherche de l’image montrant les trois enfants couchés en utilisant la technique de recherche par « image inversée » sur Google permet de constater un fait curieux.
La recherche inversée de cette image sur Google renvoie à plusieurs liens, dont deux publications d’articles sur le site Internet « Coups Francs ». Deux faits curieux nous interpellent ici : la date indiquée sur la première publication c’est le 22 août 2017, la date indiquée sur la deuxième publication c’est le 19 novembre 2018.
En cliquant sur le lien Facebook indiqué sur le site Internet « Coups Francs », on se retrouve sur la page Facebook officielle de Remy Ngono, un activiste vivant en France et connu pour ses prises de position régulières contre le gouvernement camerounais.
Pourquoi cette photo, censée représenter un événement qui s’est déroulé le 14 Février 2020 apparaît-elle sur ce site Internet de Remy Ngono avec les dates de novembre 2018 et Août 2017 ?
Le 15 Février 2020 à 18H30, l’activiste pro sécession Mimi Mefo a repris les deux images publiées par le compte Twitter « Cameroon News Agency ». Elle publie ces images sur son compte Twitter en indiquant en commentaire: « l’armée camerounaise a effectué un raid à Ngarbuh. Les rapports indiquent que 27 personnes ont été tuées, dont des enfants».
L’activiste poursuit son commentaire en indiquant qu’elle « a récupéré des images sur le compte Twitter de « Cameroon News Agency » et ces images montrent les enfants vivants et par la suite les enfants morts, tués par les soldats ».
Il faut noter que ce commentaire reprend les termes utilisés par le compte « Cameroon News Agency ». En effet, ce compte affirme le 15 Février que les deux photos montrent d’un côté les enfants vivants et de l’autre les mêmes enfants tués par l’armée.
Ces deux photos publiées par le compte « Cameroon News Agency » et reprises par le soutien sécessionniste Mimi Mefo entraînent plusieurs questionnements :
Concernant la photo montrant les enfants debout et souriants: Qui a photographié ces enfants? Quand ont-ils été photographiés? Les militaires sont-ils ceux qui ont pris le temps de les photographier avant leur décès? Puis, une fois les enfants décédés, ces mêmes militaires les ont-ils une fois encore photographiés?
Pour ce qui concerne la photo montrant trois enfants couchés et morts, une chose est certaine: en considérant l’ensoleillement sur ces photos et la date de leur publication, au cas où elles seraient issues de l’incident de Ngarbuh, elles n’auraient pu avoir été prises que le 14 ou le 15 février 2020 en journée.
La première photo représente-t-elle bien des enfants de Ngarbuh ? La deuxième photo montre-t-elle les mêmes enfants morts ? Ou alors s’agit-il d’autres enfants ? Une chose est certaine, c’est la mise en parallèle de ces deux photos sur le compte Twitter de l’activiste sécessionniste Mimi Mefo qui a déclenché la propagande médiatique qui s’est ensuivie.
Le 16 Février, le compte facebook « Justice and Dignity Campaign » annonce l’assassinat de quatre hommes d’une même famille de l’ethnie mbororo pendant leur prière matinale. L’assassinat se produit dans le Département du Donga Mantung, dans l’arrondissement du Mbui-Mben. Le peuple mbororo vit dans la région du Nord-ouest du Cameroun.
Ce compte indique les noms des victimes, ainsi que des photos illustrant leurs corps recouverts de pagnes. En concluant son écrit, l’auteur de la nouvelle demande la protection de Dieu. Ce massacre ne connaît malheureusement pas la même amplification médiatique que l’incident qui s’était produit quelques jours auparavant.
Les populations mbororos qui sont des habitants autochtones des régions anglophones du Nord-ouest du Cameroun ont déjà été l’objet de multiples assassinats, actes de tortures et de mutilations diverses par les terroristes séparatistes de la région du Nord-Ouest. Ces faits, lorsqu’ils sont connus, sont documentés, mais ils ne bénéficient malheureusement pas de la même promotion médiatique que les incidents qui ébranlent le séparatisme terroriste armé ambazonien. Pourquoi ?
Le 17 Février, le Ministère de la défense du Cameroun, par son responsable de la communication, le Capitaine de Frégate Cyrille Atonfack, publie un communiqué officiel expliquant les circonstances de la survenance de l’affrontement dans le village de Ngarbuh, arrondissement de Ndu, département du Donga-Mantung dans la région du Nord-ouest du Cameroun. Ce communiqué est précis dans le détail du déroulement de l’incident.
Le 14 Février 2020, quatre militaires et deux gendarmes, informés par des repentis de la présence de terroristes dans le village de Ngarbuh, effectuent une approche de reconnaissance nocturne à pied dans le village de Ngarbuh. Face à des tirs armés provenant d’une maison transformée en camp retranché, les forces de sécurité ripostent et une explosion entraîne la mort de sept terroristes et de cinq civils, dont une femme et quatre enfants. Le communiqué de l’armée s’achève en indiquant qu’une enquête plus approfondie a été immédiatement ouverte. Enquête incluant les forces de gendarmerie et la sécurité militaire.
Le 20 février, un article paraît dans le journal catholique La croix. Il reprend une déclaration de l’évêque George Kuo du diocèse de la ville de Kumbo dans la région du Nord-Ouest du Cameroun. L’évêque déclare dans un communiqué daté du 18 févier 2020 : « Ce 14 Février les militaires ont encerclé Ngarbuh vers 04H du matin et il nous a été rapporté que 24 personnes ont été tuées ». Dans le communiqué de l’évêque, on note une seule certitude, l’encerclement de Ngarbuh. Concernant les victimes, l’évêque préfère utiliser l’expression « il nous a été rapporté ».
Les déclarations de l’évêque sont reprises et déformées sur les réseaux sociaux comme l’attestent les déclarations des comptes Twitter « @CNkamngo » et « @Blasphemons »:
Le Jeudi 20 Février 2020, le porte-parole de l’armée Cyrille Atonfack est interviewé sur la radio camerounaise ABK pendant 30 minutes. Il donne un récit de ce qu’il s’était passé à Ngarbuh le 14 Février 2020.
Le Capitaine de Frégate commence par indiquer qu’il s’exprime au terme d’un recoupement minutieux d’informations sur le terrain à Ngarbuh. Il dresse le tableau de Ngarbuh : une zone enclavée à laquelle on accède exclusivement par motocyclettes. Dans ce village, les sécessionnistes ont fortifié une maison qui est devenue un centre névralgique dans lequel ils stockaient munitions et carburant.
En approchant de la maison érigée en place forte par les sécessionnistes, l’armée fut prise à partie par un tir nourri d’armes issu de la maison. L’armée riposta. 7 sécessionnistes furent tués et un certain nombre s’enfuirent. Pendant les combats, le dépôt de carburant constitué par les sécessionnistes dans la maison s’enflamma, engendrant une explosion qui se propagea dans quelques habitations alentour. Cette opération militaire entraîna également et malheureusement le décès de cinq innocents : quatre enfants et une femme.
Le vendredi 21 Février, lors d’une cérémonie religieuse organisée dans la cathédrale de Kumbo dans la région du Nord-ouest du Cameroun, cérémonie dédiée au recueillement pour le repos des âmes des victimes, une chapelle ardente est placée dans la cathédrale. Sur la chapelle ardente, la photo montrant un groupe de huit enfants et douze inscriptions contenant des noms et des âges de personnes sont affichées.
Dans son commentaire faisant allusion à cette manifestation œcuménique, le compte Twitter « Cameroon News Agency », qui fut un des premiers relais de l’incident de Ngarbuh, indique que la manifestation est dédiée à la prière pour le repos de l’âme de quatorze enfants et douze adultes morts à Ngarbuh. Pourtant, sur les propres images de la cérémonie religieuse publiées par ce compte, on dénombre 12 noms. Noms dont la tranche d’âge indiquée va de trois ans à douze ans, plus une inscription comportant un autre nom avec l’inscription « enceinte ».
Cette publication interpelle sur plusieurs points : Pourquoi la même photo des huit enfants publiée par les activistes pro-sécession a-t-elle été reprise lors de la manifestation dans la cathédrale de Kumbo ? Cela signifie-t-il que certains enfants figurant sur cette photo font partie des victimes ? Cela signifie-t-il que l’ensemble des huit enfants figurant sur cette photo fait partie des victimes ? Qui sont les parents de ces enfants ? Sont-ils morts pendant l’affrontement ? Sont-ils vivants ? Où sont les témoignages des survivants ?
On notera aussi que le chiffre de douze morts annoncé par le porte-parole de l’armée est celui qui se retrouve sur la chapelle ardente érigée pour rendre hommage aux disparus dans la cathédrale. Mais, au contraire de l’armée qui a reconnu la mort de sept terroristes armés et quatre enfants, plus une femme, sur la chapelle ardente, l’âge des morts indiqué varie entre trois ans et douze ans et seul l’âge de la femme enceinte n’est pas indiqué. Tout ceci est étrange. Comment les informations qui se trouvent sur la chapelle ardente ont-elles été recoupées ?
Le vendredi 21 février, un homme jusque-là connu pour ses agressions filmées contre musiciens et journalistes camerounais, qui s’appellerait Thiam Abdoulaye, à quelques jours de son procès pour saccage de l’ambassade du Cameroun en France, interpelle bruyamment le président français au Salon de l’agriculture à Paris. Il lui annonce « qu’il y a un génocide au Cameroun dans lequel il y a plus de 22 morts qui sont morts calcinés ».
Le jour suivant, samedi 22 février, le président exécutif de la Convention Baptiste du Cameroun « CBC » émet un communiqué dans lequel il indique que des forces de l’ordre occupèrent un bâtiment de cette organisation religieuse dans la commune de Ntumbaw. Cette organisation annonce avoir perdu 11 de ses membres, parmi lesquels 5 enfants, 5 enquêteurs et un chef des cœurs dans les incidents de Ngarbuh et Ntumbaw. Les enfants indiqués ici correspondent-ils à ceux qui ont été mentionnés par l’armée ? Les cinq enquêteurs et le chef de cœur étaient-ils également combattants sécessionnistes ? Notons que dans le communiqué de la CBC, il n’est pas fait mention de la femme enceinte mentionnée dans le communiqué de l’armée.
Le dimanche 23 Février, au cours d’un débat organisé par la chaîne de télévision publique camerounaise CRTV, le contradicteur du responsable de la communication au Ministère de la défense ne vient pas sur le plateau télé. L’armée réaffirme encore les chiffres de sept terroristes tués et cinq civils dans le village de Ngarbuh. Ces mêmes chiffres avaient déjà été annoncés par l’armée dans la chaîne de radio privée ABK et dans le communiqué officiel du Ministère de la défense.
Le lundi 24 Février, l’Agence France Presse (AFP), une agence de presse mondiale d’origine française et dont le rôle est la collecte, la vérification, le recoupement et la diffusion de l’information sans manipulation montre à travers trois exemples, comment l’information est manipulée après l’incident de Ngarbuh :
Dans le premier exemple, une opération de solidarité des militaires camerounais apportant leur aide pour l’inhumation de citoyens est transformée par les sites propagandistes des sympathisants ambazoniens en volonté des militaires de cacher un massacre dans une fosse commune.
Dans le deuxième exemple, l’activiste antigouvernemental Remy Ngono, habituel des micros de RFI, récupère des images issues de décès survenus à la suite de pluie torrentielles au Ghana en 2017 et les affiche comme preuves de la mort de citoyens camerounais dans le village de Ngarbuh.
Dans le troisième exemple, le compte Facebook « Nzui Manto », celui-là même qui sur Twitter avait affiché l’image des enfants devenue caractéristique de l’évènement de Ngabuh et qui affirma que ces enfants avaient été exécutés ainsi que 40 personnes brûlées vives ; ce compte affiche des images en les présentant comme la preuve des nombreux morts de Ngarbuh. La vérification de l’AFP montra que ces images sont issues de captures d’écran prises dans une vidéo tournée dans le village de Pete Bakundu dans la région du Sud-Ouest du Cameroun en août 2018.
Le mardi 25 Février 2020, plusieurs comptes Twitter des activistes ambazoniens annoncent qu’un activiste nommé Mallam Danjuma de Ngarbuh a été arrêté par les forces de défense et de sécurité camerounaises.
Le compte « @AFUUGYNNS » qui se définit lui-même comme activiste ambazonien, écrit le premier tweet à 10H26 (GMT+1) dans lequel il indique que Danjuma a été arrêté. Il mentionne le compte de la représentante de l’organisation Human Rights Watch Ilaria Allegrozzi « @ilariallegro ».
L’activiste terroriste Marc Bareta reprend la même information sur son compte Twitter. C’est ensuite au tour du compte Twitter Ambazonia Prince « @yerijuls », de diffuser l’information, ainsi que le compte « Cameroon News Agency » cité précédemment.
Puis le compte Nzui Manto « @mantoZui » qui avait été le premier à publier la photo des huit enfants utilisée pour illustrer les événements du village de Ngarbuh.
Est-ce à cause de l’arrestation de Mallam Danjuma le 25 février que Human Rights Watch publie rapidement son rapport ce même mardi 25 Février à 17H49 (GMT+1) ?
Dans son rapport, Human Rights Watch indique que des forces gouvernementales et des membres armés de l’ethnie peule ont tué au moins 21 civils dont 13 enfants et une femme enceinte, le 14 février dans le village de Ngarbuh. Cette organisation indique « avoir interrogé 25 personnes, dont trois témoins des meurtres et sept proches des victimes ». Le rapport de Human Rights Watch manque de précisions sur les faits, reste vague sur les motivations des forces armées…
Un exemple de paragraphe pris dans le rapport de Human Rights Watch: “Toutefois, des témoins et des habitants, avec lesquels Human Rights Watch s’est entretenu, ont affirmé qu’il n’y avait pas eu de confrontation entre les séparatistes armés et les forces de sécurité, qu’ils n’avaient pas entendu d’explosion et que les meurtres avaient été délibérés.”
L’armée camerounaise aurait donc sans aucune raison, tué au moins 21 personnes, dont 13 enfants et une femme enceinte…
Une telle accusation saugrenue se passe de tout commentaire lorsqu’on sait que le professionnalisme de l’armée camerounaise lui vaut de servir actuellement et depuis de nombreuses années dans plusieurs missions des Nations Unies et d’être reconnue par son exemplarité dans plusieurs pays dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l’Organisation des Nations Unies…
Le Jeudi 27 février, un document vidéo prouve les liens entre la représentante de l’organisation Human Rights Watch (Ilaria Allegrozzi) et un terroriste ambazonien appelé Nfor Yacubu arrêté par l’armée.
Dans le smartphone de ce terroriste, des conversations et des échanges de fichiers avec Ilaria Allegrozzi sont retrouvés, prouvant qu’il était la source d’information de cette dame dans le cadre des incidents de Ngarbuh. Est-ce à partir des informations fournies par le terroriste Nfor Yacubu que Madame Ilaria Allegrozzi a monté ses accusations contre l’armée camerounaise ? Nfor Yacuba et Mallam Danjuma sont-ils une seule et même personne ?
Le jeudi 27 Février, le ministre camerounais de la communication, René Emmanuel Sadi, tient une conférence de presse dans laquelle il réaffirme les faits qui avaient été recoupés et indiqués dès le 17 février par l’armée camerounaise.
On note donc que dix jours après sa première déclaration, l’Etat camerounais ne change pas sa version des faits d’un seul iota: quatre militaires et deux gendarmes se rendirent, sur information, dans le village de Ngarbuh la nuit. Des terroristes guetteurs leur tirèrent dessus depuis une place forte contenant leurs stocks de carburant et de minutions. Au cours de l’échange de coups de feu, sept terroristes furent abattus. Un certain nombre prirent la fuite. Pendant l’échange des coups de feu, le stock de carburant et le dépôt de minutions des terroristes explosa, causant malheureusement la mort de quatre enfants et d’une femme.
Le vendredi 28 Février, sur instruction du Chef de l’Etat camerounais Paul Biya, une équipe comprenant les plus hauts responsables militaires et civils de la région du Nord-Ouest est descendue sur le terrain à Ngarbuh. Cette équipe organise des rencontres avec la population et collecte ses témoignages. Il s’agit d’une enquête transparente destinée à fournir un rapport détaillé sur ce qu’il s’est passé à Ngarbuh le 14 Février.
Depuis la survenance de l’incident de Ngarbuh, plusieurs chiffres sur le nombre de victimes ont été avancés par différents activistes favorables à la sécession prônée par les groupes terroristes armés d’Ambazonie.
Si les religieux de la convention Baptiste du Cameroun et l’évêché de Kumbo ont évoqué le chiffre de 11 ou 12 tués proches du chiffre de 7 terroristes, 4 enfants et une femme enceinte annoncé par l’Etat camerounais, les activistes favorables à la sécession ont indiqué des chiffres qui varient entre 22 et 40 victimes.
Le cartel de la guerre de communication hybride auquel le Cameroun est confronté depuis les débuts de sa lutte en 2013 contre la secte terroriste Boko Haram est constitué : D’organismes visibles;
De groupes anonymes visibles;
De groupes non anonymes actifs sur les réseaux sociaux.
Cette lutte du Cameroun qui commença contre le terrorisme intégriste religieux se poursuit depuis l’année 2016 face à un terrorisme qui n’est pas religieux, mais identitaire xénophobe : l’ambazonie.
Dans la lutte contre Boko Haram, la propagande est principalement diffusée via des canaux de communication officiels connus du groupe terroriste. Cette propagande relai des actions militaires de revendication, des actes d’intimidation et des communications de propagande favorables à l’idéologie terroriste.
L’incident survenu dans le village de Ngarbuh permet d’établir la cartographie des amplificateurs du conflit dans les régions anglophones du Cameroun. Ces amplificateurs utilisent une propagande de masse s’appuyant sur le bombardement répétitif d’informations écrites et visuelles construites à partir d’incidents quelconques réels ou non.
Les incidents sont grossis ou déformés dans le but de focaliser l’attention de l’audience choisie sur des mots-chocs et des images violentes.
Dans le cas de Ngarbuh, quelques mots-chocs utilisés sont: « massacres, enfants, femme enceinte, génocide ». Les images violentes sont récoltées partout sur Internet, pourvu que leur contenu puisse se rapprocher de l’objectif visé :
Susciter l’indignation.
Provoquer la réaction vive, émotive de l’opinion publique.
Enclencher l’intervention de leaders identifiés, d’organismes internationaux.
Favoriser le relais des médias internationaux.
Quant à la cartographie des amplificateurs, il s’agit de : Comptes anonymes sur les réseaux sociaux
Comptes non anonymes créés par des agents de la propagande vivant loin de la zone de conflit
D’organismes sympathisants de la cause terroriste
D’organes de presse au travail d’investigation inexistant ou insuffisant
De promoteurs de la violence et du chaos aux fins d’en tirer des avantages économiques ou du pouvoir politique
Ces amplificateurs volontaires ou non provoquent un battage médiatique pensé, conçu et diffusé de façon réfléchie, respectant un calendrier de propagation stratégique.
L’incident de Ngarbuh montre aux pays africains tels que le Cameroun, la nécessité urgente d’organiser des cellules de veille médiatique et de communication de crise pluridisciplinaires, proactives et bénéficiant d’outils de riposte fulgurants face à la diffusion rapide de la propagande terroriste.
Le combat qu’un pays comme le Cameroun gagne sur le terrain réel, pour la protection de tous les citoyens et la préservation de la paix civile ne doit pas être perdu sur le terrain virtuel, celui de la communication instantanée, mondialisée, virale.
Le combat doit être gagné sur le terrain réel et sur le terrain virtuel. En effet, l’opinion nationale et internationale n’étant pas dans les villages tels que Ngarbuh pour vérifier les faits au moment où ils se produisent, elle risque d’y venir pour de bonnes ou de mauvaises raisons pour essayer d’imposer une nouvelle réalité qui n’est pas celle de la vérité.
(c) Serge Mbarga Owona
Mathématicien, poète et écrivain camerounais