DANS L'ACTUDOSSIER

Evariste FOPOUSSI FOTSO : “SDF et MRC : partenaires obligés pour conduire les forces de changement à la victoire”

L’homme politique et cadre du social democratic front estime que malgré toutes les considérations politiques, l’Alliance MRC/SDF serait un moyen indéniable pour le renversement du régime de Yaoundé. Les analyses de l’ancien député SDF.

“Au hasard de mes lectures du weekend, je suis tombé sur une interpellation d’une combattante pour le changement que je ne connais pas, Docteure Maxi Mbe, dans un forum des amis : La voici :« Vous vous insultez en longueur de journée au lieu de réfléchir à ce que Moukoko (Pr Moukoko Priso) rappelait je cite ” démarcation sur le fond et collaboration dans la forme pour sauver le Kamerun”. Je suis toujours surprise de voir ces insultes contreproductives sur la personne de Kamto. Une question simple. Elles nous procurent quoi? Elles nous font avancer en quoi? Ont-elles empêché les violations des droits humains et les atteintes aux libertés fondamentales. Nous ont-elles amené à la réconciliation nationale ? A la cohésion sociale? A la paix et sécurité humaine pour un développement durable? »

Cette interpellation m’a particulièrement ému, parce qu’elle m’a révélé la profondeur de l’abime de l’inconscience politique dans laquelle la rudesse du long combat contre la dictateur du régime Biya avec ses avatars comme les échecs politiques successifs, l’usure du temps, la fatigue, les tentations de la corruption et les egos démesurés, ont plonge les forces de changement. Dans le SDF particulièrement, ces derniers temps, l’absence du Chairman, éloigné du pays par des problèmes de santé et les rancœurs nées des résultats catastrophiques des présidentielles de 2018, nous privent de conseils stratégiques pour maintenir en éveil notre conscience militante. Au point ou le plupart d’entre nous sombrent de plus en plus dans des querelles de clochers, plus motivées par leurs egos surdimensionnés, leurs ambitions personnelles ou leurs difficultés de positionnement dans leurs circonscriptions politiques locales. Pour eux, en plus de la hiérarchie qu’ils trainent dans la boue, le bouc émissaire facile est vite trouvé, c’est le MRC de Maurice Kamto. C’est vrai, ce parti ne fait en grande partie son marché que dans nos rangs et parfois avec des méthodes contestables. Mais dans un jeu politique concurrentiel ou le terrain est déjà largement meublé (près de 300 partis politiques), ou croit-on qu’un nouveau venu peut brouter s’il tient a se faire une place, si ce n’est sur les terrains fertiles ou traine une cohorte de déçus et autres frustrés abandonnés a eux-mêmes ou dans les rangs les plus garnis ?

En 2012 quand le MRC est né et s’est positionné comme poursuivant les mêmes objectifs que les forces de changement, il lui était plus facile de s’agrandir en piochant dans les rangs des déçus de ces forces de changement dont la plus grande masse se trouvait dans le SDF, que de recruter dans le RDPC et dans l’opposition alimentaire ou les vrais militants sont rares et quand il en existe, sont très matériellement intéressés. La hiérarchie du SDF n’a pas senti venir le danger, en particulier dans ses fiefs. Pour cause, elle était plus préoccupée par des querelles internes et plus, se fiait a l’illusion de la popularité entretenue autour d’elle par la plupart de ses hiérarques et autres élus dans les mairies, a l’Assemblée nationale et au Senat depuis l’entrée du parti dans les institutions a partir de 1996. Or en réalité, ces derniers pour la plupart aveuglés par leurs ambitions personnelles et les délices du pouvoir, s’étaient de plus en plus coupés de la base militante au point qu’elle etait devenue une proie faciles pour des prédateurs politiques plus affutés et disposant de plus de moyens. Et ce qui devait arriver est arrivé, le SDF est resté impuissant devant l’étiolement de ses rangs suite a l’agressivité des concurrents dont en particulier le MRC. Une situation qui n’est la spécificité ni du SDF ni du Cameroun.

L’avènement du PS en France en 1971 a bénéficié d’une conjoncture similaire qui lui a permis de faire main basse sur une bonne partie de la gauche et du centre. Il a même réussi a prendre la tète de la gauche au détriment du parti communiste qui depuis la guerre en 1945 incarnait le vrai changement en France. Ce dernier parti a senti le sens du vent et s’est abstenu d’entrer dans une guerre de preseance avec la PS et s’est même allie a lui dans la recherche d’un programme commun de changement a partir de 1978. La stratégie de mutualisation d’action malgré les divergences idéologiques a tellement bien marché qu’elle a permis a la gauche de gagner l’élection présidentielle, clé du changement dans tout système présidentialiste, en 1981 avec François Mitterrand le leader du pari socialiste.
Toujours en France, plus récemment, le parti d’Emmanuel Macron La République en Marche (LREM) est né de la même manière en 2016, en piochant largement dans toutes les forces politiques existantes dont en particulier le PS qui l’a lancé en politique. Il n’empêche que malgré cicatrices des ruptures encore béantes, presque tous les partis qu’il a déplumés pour créer son parti la RREM, se sont alliés à lui la même année au 2e tour des l’election presidentielle pour barrer la route au Front national, actuel rassemblement nationa (RN). Au Senegal le parti politique de Macky Sall, l’Alliance pour la Republique ne d’une scission du PDS d’Abdoulaye Wade part de droite assume en 2008 n’a pas hesite n’a pas hesite a s’allier avec le Parti Socialiste de Ousmane Tanor Dieng, parti de gauche, membre de l’Internationale Socialiste pour conquerir la presidence de la Republique qui leur permet aujourd’hui d’imprimer au Senegal le changement qui est admire par tout le monde.

Enfin, plus récent, en Côte-d’Ivoire, le FPI, parti social-démocrate et membre de l’Internationale Socialiste comme, le SDF vient de s’allier avec le PDCI, l’ancien parti au pouvoir, très encré dans la mouvance conservatrice, pour combattre un apprenti dictateur, Alassane Ouattara. Ces exemples montrent clairement qu’il n’y a aucune raison pour le SDF de considérer le MRC comme son ennemi et vice versa, au même rang que son ennemi héréditaire qui reste le régime au pouvoir, dont seul le renversement ou peut-être la mue (ce qui en réalité est utopique), peut apporter le changement. Même le RDPC qui n’est un parti politique que de nom du fait de sa fusion avec le régime dont il est l’instrument des basses œuvres (et on parle de parti-état), chaque fois qu’il fonctionnera comme un parti politique ordinaire, il n’y aura aucune raison qu’un parti politique, même de l’opposition, le considère comme son ennemi et refuse de lui tende la main ou d’accepter son invitation pour discuter d’un programme de d’action ou de gouvernement. C’est ce que le SDF a fait en 1998 en discutant avec lui sur la nécessité d’apporter des reformes consensuelles au pays. Il n’a rompu que lorsqu’il s’est aperçu que la seule intention du RDPC était de l’absorber dans un gouvernement d’union. L’UNDP a mordu a l’hamecon et tout le monde sait ce parti est devenu. Tant que le RDPC continuera a fonctionner comme le bras séculier du régime dictatorial dans ses basses œuvre de violence d’Etat, de fraudes électorales, d’achat de conscience, il restera l’ennemi des forces de changement et devra être combattu comme tel.

Sur un plan plus stratégique, aucun combattant ne devrait jamais se réjouir des malheurs ou des mauvais coups qui sont assenées par le régime a un autre combattant comme ceux que reçoit le MRC a l’heure actuelle. Surtout que ce parti paie le prix de son audace de rester fidele a la stratégie de la mobilisation populaire qui seule fait bouger les dictateurs dans tous les pays du monde, au moment ou englués dans leurs querelles internes, beaucoup donnent l’impression d’avoir baissé les bras. Le devoir de solidarité s’impose par conséquent autant pour condamner les mauvais coups qu’il reçoit actuellement que pour exiger la libération sans condition de tous ses militants ainsi que tous les combattants de la liberté qui ont été illégalement embastillés a la suite des marches pacifiques dont le principe est reconnu par la constitution. Car en réalité, tous ces coups sont destinés a tous les opposants aux dérives dictatoriales du régime et n’ont atteint pour le moment le MRC et ses militants que parce qu’ils sont plus visibles sur le front du combat. Si par malheur ce parti est a terre, ce sera tour de tous ceux qui refusent la voie de la compromission. Il apparait donc clairement que l’affalement du MRC par démission ou suite a une dissolution comme l’annoncent certains, n’apportera aucune plus value a la lutte pour le changement démocratique. Au contraire, il renforcera le régime dans son autocratisme et l’encouragera dans sa voie de tout ou rien. Et ce n‘est pas en position de force qu’il sera plus attentifs aux doléances des autres forces du changement qu’il a beau jeu de ménager maintenant pour se concentrer sur ce qui pour lui constitue le noyau dur. D’ailleurs regardez bien les armes qu’ils utilisent actuellement contre ce parti. Il l’accuse de radical, de parti bamiléké, d’agent de l’étranger (les USA pour les uns et de la France pour d’autres).

Avant le MRC, le SDF qui jusqu’ici était la tète de proue du combat pour changement depuis 30 ans, était aussi qualifié de radical, de part anglo-bami, de cheval de Troie des angloxaxons. Quelle similitude ! En réalité, ces anathèmes ne sont que des stratégies de diversion et de diabolisation de la vraie opposition qu’on retrouve dans toutes les dictatures du monde entier. En réalité, la disparition du MRC dans les conditions actuelles, va plutôt renforcer les courants radicaux de tous les cotés, qui dans leur jusqu’auboutisme mettront dans le même panier tous ceux qui ne partageront pas leurs approches radicales, dont les autres partis d’opposition et la société civile qui prêchent un changement dans la paix. L’exemple de la crise anglophone est la pour démontrer le danger que constitue la stratégie du régime de répondre a des revendications pacifiques par la force en lieu et place du dialogue.

En conclusion, le MRC comme tous les partis et associations de la société civile qui poursuivent le même combat que le SDF, sont des partenaires de lutte dont l’unité d’action est indispensable pour la victoire finale. Je comprends le scepticisme cette démarche peut rencontrer de nos structures de base inamicalement malmenées ces dernières années par l’agressivité du MRC. Mais elles doivent comprendre que la meilleure façon de combattre un parti ami consiste surtout à créer plus de structures que lui, recruter plus de militants (même dans ses rangs) et être plus présent et plus offensif que lui sur le terrain, dans les medias et les réseaux sociaux. C’est la seule façon de garantir qu’au moment du choix populaire, le SDF pourra légitimement ambitionner de reprendre le flambeau de la lutte, dans une compétitivité excitante et stimulante. Alors, de nombreux militants qui ont succombé a la mode MRC n’hésiteront pas a rentrer au bercail, surtout que beaucoup actuellement ne semblent plus tres fiers dan leurs choix sur fond de mirage. Le principe des vases communicants pourra alors jouer en faveur du SDF sans pour autant gêner l’unité d’action indispensable entre les deux partis condamnés pour l’instant à mener le même combat. « Démarcation sur le fond et collaboration dans la forme pour sauver le Kamerun”, le Pr Moukoko Priso avait déjà trace la voie. Décédé e 2018, il nous manque comme Mongo Beti, Roger Gabriel Nlep ou Eboussi Boulaga, des éveilleurs de conscience hors pair dont les conseils stratégiques nous manquent cruellement en ces heures cruciales pour l’histoire de notre pays”.

(c) Evariste FOPOUSSI FOTSO, oct. 2020

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