Éditorial : Famille en péril, urgence sociale au Cameroun

Parmi les multiples fractures que traverse notre société, celle de la cellule familiale mérite une attention urgente. Jadis sanctuaire de stabilité, de transmission des valeurs et de cohésion, la famille camerounaise est aujourd’hui en pleine déliquescence. Les séparations et divorces se multiplient à un rythme alarmant, laissant dans leur sillage un cortège de blessures, d’instabilités et de frustrations, surtout chez les enfants.
Ces derniers, otages silencieux de conflits d’adultes, grandissent souvent dans des foyers monoparentaux, privés d’un équilibre affectif essentiel. Le résultat est visible : une jeunesse désorientée, vulnérable, parfois livrée à elle-même et trop souvent happée par la délinquance ou l’errance sociale. Une génération qui peine à trouver des repères solides, à s’identifier à des modèles cohérents.
Parmi les causes, certains pointeront du doigt l’émancipation mal comprise de certaines femmes, qui, au nom d’une supposée autonomie, rejettent toute forme de compromis familial. Le phénomène des “femmes capables”, si noble dans son essence, celle d’aspirer à l’autonomie et à l’égalité, semble parfois être interprété comme un rejet de la co-construction familiale. Mais faut-il jeter la pierre uniquement à ces femmes ? Les hommes, souvent absents, démissionnaires ou violents, ne sont pas en reste dans la chaîne des responsabilités.
Ce n’est pas l’émancipation en soi qui détruit la famille, mais bien l’incapacité des deux sexes à redéfinir ensemble les fondements d’un vivre-ensemble harmonieux. L’individualisme, la quête effrénée de liberté mal orientée, le matérialisme et l’orgueil ont pris le pas sur l’amour, la responsabilité et la patience.
Il est temps d’agir. Il faut revaloriser la famille dans notre société, non pas comme une cage ou un carcan, mais comme un espace de construction, d’équilibre et de solidarité. L’État, les institutions religieuses, les éducateurs, mais aussi chaque citoyen doivent prendre la mesure de ce défi. Des campagnes de sensibilisation, une meilleure éducation à la vie de couple, un accompagnement psychologique des familles en crise pourraient déjà amorcer le changement.
La famille est la première école de la citoyenneté. Une nation qui néglige sa base se condamne à la dérive. Il est encore temps de corriger la trajectoire. Mais pour cela, il faut du courage, de l’humilité, et surtout, un profond sens de responsabilité collective.
Houzerou NGOUPAYOU