Dr Serges Mboumegne : “Le droit de vote est un droit fondamental”
Le Président exécutif de L’Association Internationale Kofi Annan évoque la nécessité de participer à une consultation électorale, à une semaine seulement du double scrutin, législatif et municipal du 09 Février 2020 au Cameroun. C’est dans un entretien accordé à la rédaction.
Le Cameroun s’apprête à écrire une page de l’histoire, la tenue du double scrutin, législatif et municipal du 09 Février 2020. Depuis une semaine les Partis politiques se déploient pour la campagne électorale. Comment trouvez-vous ce déploiement sur le terrain ?
Le déploiement se fait en fonction des moyens et des capacités des partis en lice. On note une option du porte à porte par souci de proximité avec les électeurs ; l’électeur devient ainsi Roi car reçoit les caravanes sur place. On note aussi des recours auprès de quelques chaines de télévision pour expliquer programmes et projets; mais il faut regretter le fait que certains partis politiques ne disposent pas de profession de foi, élément nécessaire pour un contrôle des promesses en cas de victoire future. Il y a donc un déficit de maîtrise des outils de la campagne à certains égards. Démarrée de manière timide du fait du financement tardif, les acteurs en lice s’activeront pour bien négocier la dernière semaine de campagne.
Ces élections se tiennent dans un contexte sécuritaire chancelant, avec la crise dans les régions anglophones. Selon vous, cette situation garantit-elle une élection crédible ?
Est crédible, ce qui est digne de confiance, ce qui mérite d’être cru. Une élection dévient donc crédible, lorsque tout est mis sur pied pour un déroulement massif et paisible, mais aussi en sécurité. S’il est vrai que les forces de maintien de l’ordre seront présentent dans ces régions pour rassurer, le climat ambiant est un obstacle pour les électeurs qui y demeurent encore. Le droit à la vie étant un droit fondamental, certains s’abstiendront d’y aller pour protéger leurs vies. Le dispositif électoral sera déployé mais il y a risque de faible participation des électeurs originaires déjà très peu nombreux du fait des déplacements. Le crédibilité se trouvera alors entamée.
Au moment où les partis politiques se déploient pour convaincre l’électorat, il y en a qui estiment qu’il faut boycotter en guise de solidarité aux Camerounais victimes de la crise dite anglophone. Quelle réaction par rapport à cette stratégie ? La campagne du boycott ne favorise-t-elle finalement pas le parti au pouvoir le Rdpc ?
Le droit de vote est un droit fondamental. C’est en plus un droit subjectif. On peut décider de mettre en oeuvre en allant voter ou pas. Au vu de l’implantation du parti au pouvoir, du nombre de communes où il présente des listes parfois sans concurrents et idem pour l’élection des députés, ne pas prendre part au vote chez les opposants, ou y être partiellement ou même suffisamment ne changera rien sur le score à obtenir par le parti au pouvoir. Sa majorité est assurée. L’impact du boycott sera ressenti par ELECAM qui verra ainsi son travail de sensibilisation sapé. Il en est de même des osc qui oeuvrent dans le champ démocratique.
Les organisations de la société civile ont le plus souvent sensibilisé les citoyens pour montrer l’importance d’élire leurs élus, un acte citoyen d’ailleurs. Mais cette fois, malgré la campagne du boycott, il y a comme un silence radio de la part de ces OSC. Comment comprendre cette attitude ? Ne traduit-elle pas manifestement un militantisme pour le boycott ?
L’attitude des osc peut se justifier par la limitation de l’espace des libertés publiques. Tout activité de sensibilisation nécessite l’aval de la Sous-préfecture. Et dans le domaine électoral, l’aval via l’octroi d’un récépissé de déclaration de manifestation ou de réunion est un casse-tête pour les osc. Dans cette circonstance, les stratégies de sensibilisation sont moins visibles.
Pour terminer, monsieur le Président, peut-on savoir le degré d’implication de votre organisation, l’Association Internationale Kofi Annan, à ces élections ?
Nous sommes satisfaits de la participation active des jeunes et femmes comme candidats ou candidates à ces élections. Le résultat d’un de nos projets exécuté a été atteint. Il s’agissait de plaider pour que les jeunes et femmes soient pris en compte dans les instances de prise de décisions des partis politiques au Cameroun et se présentent comme candidats non plus seulement comme électeurs. Nous avons depuis lors entrepris le recyclage de nos observateurs qui suivent les partis et candidats tout au long de cette campagne. Ils observeront l’élection du 9 février dans les régions de l’ouest, littoral et centre. Mais l’accent portera sur l’impact de la participation des jeunes et femmes comme candidats ou candidates à ces élections, le suivi ou non du boycott afin d’apprécier le taux de participation.
Entretien réalisé par Sébastien ESSOMBA