Atteinte aux libertés de l’homme : Alain Blaise Fomba Kue, le bélier sacrificiel ?
Des voix s’élèvent pour condamner le climat qui crispe la vie politique au Cameroun ces dernières années. Les acteurs politiques opposés au courant idéologique du pouvoir de Yaoundé en font les frais. Les militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc) semblent payer le lourd tribut. Les tristes événements ayant suivi les élections présidentielles d’octobre 2018 dépeignent le caractère morose décrit.
Arrestation, séquestration, détention, jugement devant les tribunaux militaires et condamnation. Le cliché ainsi brossé traduit à suffire le traitement infligé à certains leaders de l’opposition camerounaise et leurs militants.
FRUSTRATION ET MUSÈLEMENT
La situation devenue insupportable pousse les autres jeunes indécis ou animés par des ambitions politiques à se rétracter. Plusieurs jeunes qui ont cru à l’avènement d’une aire nouvelle s’en remettent péniblement du traumatisme physique et psychologique dont ont été victimes leurs camarades et connaissances. Tout comme le Pr Maurice Kamto, tête de proue du Mrc, de nombreux militants gardent les stigmates des abus d’une justice que le Pr Alain Fogue Tedom, a qualifié de ‘’Boko Haram judiciaire’’. Une justice aux ordres. En effet, selon le trésorier national du Mrc aujourd’hui écroué à la prison centrale de kondengui de Yaoundé, son interpellation puis sa condamnation à sept ans tout comme plusieurs autres de ses camardes, font suite aux marches pacifiques organisées par le parti afin d’inciter le gouvernement à rendre comptes au peuple de la gestion des affaires publiques, au moment où le pays fait face aux détournements massifs des deniers et des crises internes notamment la guerre dans les régions du Nord-ouest et du Sud-Ouest. « Le Message Fax du MINAT [Ministre de l’Administration Territoriale, ndlr] adressé aux gouverneurs des régions du Centre, de l’Ouest et du Littoral, qui est la pièce génératrice de la vengeance politique et judiciaire qui s’abat sur nous », écrit Alain Fogue.
RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX
Dans la foulée, certains militants ayant participé à la marche du 22 septembre 2020 ont été acquittés par la justice tandis que, ceux qui ont bénéficié des grâces du ciel ont simplement fondu dans la nature. C’est le cas pour Alain Blaise Fomba Kue. Né le 18 novembre 1987, ce natif de Baleng, chef-lieu de l’arrondissement de Bafoussam II, département de la Mifi, région de l’Ouest, est aujourd’hui la cible des fins limiers de la police judiciaire. Son crime, c’est d’avoir participé à la marche de juin 2019 sous les auspices du Mrc pour dire ‘’non au hold-up électoral, la revendication de la paix ainsi que la sauvegarde de la fortune publique’’.
Au lendemain de laditemarche il est interpellé non loin de son domicile à Yaoundé la capitale politique du Cameroun. Placé en garde-à vue durant trois mois, ce dernier qui se trouvait hors de sa cellule pour la corvée réussira par un tour de passe à distraire les attentions des forces de maintien de l’ordre en fuguant. Les multiples battues n’ont pas permis de le priver de la grâce que lui offrait le ciel en ce 31 août. Quatre ans plus tard, Alain Blaise Fomba K. est repéré à Paris en France lors des manifestations du 04 février 2023 et attribuées au mouvement des activistes de la ‘’Brigade Anti-Sardinards’’. Sa famille ainsi que ses proches qui étaient jusque-là sans nouvelle d’Alain Blaise Fomba Kue, seront de nouveau pris à charge par les officiers de la police judiciaire notamment de la direction des recherches extérieures. Un mandat d’amener leur sera présenté. Dans l’impossibilité de fournir le moindre renseignement au sujet de leur frère, les proches du ‘’fugitif’’ ne sont hélas pas au bout du supplice et des menaces de toutes sortes. Le châtiment « inhumain et dégradant» dont sont victimes les prisonniers politiques notamment ceux du Mrc depuis le déclenchement de la chasse à l’homme par l’ordre de ‘’82’’ au Cameroun, ne motive pas Alain Blaise Fomba à retourner sur ses terres recevoir la bénédiction de ses ancêtres. Plusieurs autres militants vivent le martyr. Son camarade Rodrigue Ndagueho Koufet, a quant à lui trouvé la mort le 07 avril 2022 à la prison de New-Bell à Douala. Il avait succombé à une épidémie de choléra qui sévissait dans cette maison d’arrêt où séjournent plus de cinq mille détenus, pour une capacité initiale de huit cent. Dans un contexte de prévarication et de tribalisme étatique généralisé, faire de la politique au Cameroun est-il un crime ?
(c) Jean Marc Abanda (Stg)