Njiawouo Abdoulaye Nicanor : Un parcours exceptionnel pour un destin inachevé…
Hommage du Pr. Ndam Ndjitoyap Élie Claude à l’une des dernières figures marquantes des indépendances de l’Afrique et du Cameroun, qui vient de s’éteindre.
Njiawouo né Abdoulaye puis baptisé Nicanor est l’un des derniers héros de la période des indépendances. C’est l’un des pionniers, l’une des mémoires des upecistes qui tire sa révérence. Il m’a donné plusieurs occasions d’échanges au village à Foumban sur ses idées et son parcours. Sa vie est la réalisation d’un destin où se chevauchent éclectisme, périodes de satisfactions, moments de doutes, ruptures familiales, le tout sur fond de résilience.
Né en 1929 dans une modeste famille musulmane de Foyet à une vingtaine de kilomètres de Foumban il va par pur hasard bénéficier de de l’offre de scolarisation de l’école missionnaire protestante française de Njisse à Foumban. Ce jeune enfant doué et particulièrement intelligent fera preuve d’une grande érudication avec une forte volonté de se former. Ses performances scolaires excellentes au niveau primaire lui permettront d’être major du Cameroun au CEP en 1945. Les études secondaires seront aisément couronnées par l’obtention du Baccalauréat sciences expérimentales en 1952 au Lycée Leclerc avec pour camarade un certain Eteki Mboumoua. Il obtient une bourse pour la France où il entreprend des études de biologie à l’université de Clermont-Ferrand.
En 1955 il continue à Paris pour le DEA et le Doctorat. Il va épouser Nguenyi Élise une ancienne de Njisse boursière en France pour des études d’infirmières avec Germaine future épouse du président du Cameroun. Rapidement il va s’engager dans la politique en militant à l’UNEK (union nationale des étudiants Kamerunais ) et à la FEANF (fédération des étudiants de l’Afrique Noire francophone).
En 1958, pressenti pour rentrer au Cameroun prendre la direction du Lycée Leclerc il préfère rejoindre Dr. Moumie Félix Roland qui l’envoie à Rabat au Maroc pour coordonner les relations internationales de l’UPC. Il joue le rôle de ministre des affaires étrangères de l’UPC sous la protection de Mohamed V qui soutient les mouvements progressistes et indépendantistes d’Afrique. Njiawouo Abdoulaye Nicanor va négocier des bourses et ainsi contribuer à la formation de plusieurs jeunes camerounais dont le futur professeur Hogbe Nlend.
En 1960 il va avec Moumie développer la théorie du Panafricanisme du Temps Nouveau (PTN) à laquelle adhère Nelson Mandela. Cette théorie envisage d’obtenir la paix mondiale en mettant fin à la guerre. Par ailleurs assurer l’émergence économique par le développement technologique de l’Afrique.Mandela s’en serait inspiré pour la mise en place de la vision arc-en-ciel en Afrique du Sud.
A la mort de Moumie le 3 Novembre 1960,l’UPC se réorganise et Njiawouo jouera un rôle majeur. Par sa position il va rencontrer des hautes personnalités du monde à l’instar de: Mao Tse Tsoun, Ho Chi Min, Mohamed V, Sekou Toure, Lumumba, Nelson Mandela, Krumah, Modibo Keita, etc…
Par la suite il aura un itinéraire complexe qui va le conduire successivement:en Algérie en 1962 où il reçoit Mandela pour une formation politique,au Soudan en 1968 où il termine sa thèse,en République Centraficaine en 1997. Dans ces différents pays il joue souvent le rôle de conseiller stratégique des gouvernements en place.
En 2007 il va enfin rentrer au Cameroun avec l’autorisation du président de la République Paul Biya qu’il dit avoir connu à la cité universitaire d’Antony en France.
Il est comme Ulysse,ce personnage de l’odyssée de la Grèce antique qui après avoir voyagé aux confins du monde,bravé marées et houles à travers les mers est retourné retrouver sa famille originelle au bercail. Il va passer paisiblement ses derniers jours à Foumban au quartier Nkounga chez son fils Moise.
A l’analyse, Abdoulaye Nicanor aura connu, des périodes de réussites et d’autres faites de difficultés, voire des échecs…
Sans avoir la prétention de juger ses choix on peut s’interroger.Et penser que par un retour précoce son expertise aurait contribué au développement du pays et à l’épanouissement de sa communauté.
Car finalement ce parcours exceptionnel n’a t’il pas conduit à une impasse pour un destin inachevé!
Sic transit gloria mundi pour dire que: ainsi passe la gloire du monde.
Que l’âme de Foyet accueille l’âme se ce digne fils du Triangle National.
(c) Pr. EC Ndjitoyap Ndam, Samedi 23.12.2023