Trafics d’influence : Ce cancer social qui peine à disparaitre au Cameroun !
Chronique philosophique autour d’une gangrène sociale permanente. Le Cameroun réussira-t-il un jour à transcender ces trafics d’influence devenus monnaie courante ? Une question à mille inconnues, au regard de la situation qui prévaut sur le terrain.
“Tu sais qui je suis ?” est une question rhétorique que des individus posent chaque jour aux nobles citoyens. Cette question triviale s’articule autour d’un plan trilogique.
Du point de vue social, elle renvoie à la titromanie considérée ici comme l’amour du titre, le prestige du titre, la position sociale ou l’affinité sociale. Une question qui vise à semer la psychose, afin de mieux s’imposer socialement. “Méfies toi, je ne suis pas n’importe qui!”, pour infliger la peur. De ce point de vue, tout le monde en utilise : vigiles, chauffeurs et j’en passe. “Mon oncle est à la Présidence de la République, mon Beaufils est Ministre, mon grand frère est gouverneur, préfet, capitaine…” “Ce pays est entre nos mains”. “Tu es le fils de qui?”, “Qui te connait dans ce pays?”, “Je suis de la région de…”, “Je suis de la famille de…”, “Un coup de fil suffit pour te coffrer” etc.
Ces expressions constituent un parasitisme social, voire une gangrène qui encourage le favoritisme, la corruption, l’arnaque et tous les autres maux qui minent notre société.
En outre, le syndrome de “tu sais qui je suis” au Cameroun renvoie à l’État de nature d’Aristote, à la loi de la Jungle où les plus forts dominent sur les plus faibles. Le plus fort ici est juste. Celui qui est issu de la famille des « en haut d’en haut », travaille et occupe des postes de prestige malgré sa médiocrité. Il suffirait de dire : “Je suis le fils du ministre, du Président du Sénat, je suis le neveu du Président de l’Assemblée Nationale” pour avoir tous les privilèges. Ainsi va la République !
De plus, cette expression laconique “tu sais qui je suis ?” a une connotation politique, pour dire que je suis du parti au pouvoir, je suis Maire, député… “l’État c’est moi”. Il s’agit de la force du pouvoir. l’État devient ici le plus froid des monstres, qui ment froidement pour mieux se servir que de servir la nation.
Du point de vue économique, c’est le pouvoir de l’avoir. “J’ai un compte bancaire d’une valeur de…”, “Tu connais mon chiffre d’affaire ?”. Bref, “tu sais qui je suis ?” est une question qui ne mérite pas d’être posée dans un pays où la rigueur et la moralisation sont les choses les mieux partagées.
(c) Molière SIDICK
NFONKA, Enseignant chercheur de Philosophie, sept. 2023