LA PEINE DE MORT : Éclairage de Docteur Maître Fotso Fostine, Pénaliste, Avocate au Barreau du Cameroun
Voilà un sujet séculaire, qui n’a pas suivi les temps modernes. Une peine qui a existé depuis la nuit des temps, quand il n’existait pas de code écrit ; comme dans le Far-west americain, lorsque la gâchette la plus rapide était la plus respectée, lorsqu’on pendait haut et court un homme sans jugement, au gré de l’humeur de la foule.
Vous avez dit stupide ? Rien de plus stupide que la peine de mort, un lynchage public autorisé, habillé juste de l’onction d’une supposée justice rétrograde. Je ne mâche pas mes mots, il n’y a que les talibans d’Afghanistan pour appliquer aujourd’hui cette peine. Tous ceux qui y souscrivent n’en sont pas éloignés. Avec la peine de mort, l’humanité fait un retour de mille an dans la préhistoire, et sur le plan religieux, idem les Chrétiens dans l’Ancien testament. Seuls les musulmans fondamentales intégristes la prônent encore. A quoi aurait servi le combat acharné, et Ô combien juste et noble de Robert Badinter (ancien ministre de la justice française) si de nos jours cette peine n’est pas bannie de toutes les justices du monde ?
Il est vrai que des criminels notoires endurcis ne méritent pas de vivre en société, et continuer à la polluer. Il est hors de question qu’on leur laisse le champ libre. Mais la peine de mort n’est pas la seule applicable pour les neutraliser. La perpétuité est une alternative crédible, qui remplit tous les canons. D’aucuns diront qu’ils ne vont pas vivre aux crochets de la société qu’ils auront spoliée. C’est en tout cas le moindre mal. L’absurdité dans sa quintessence primaire ne consiste t’elle pas à faire partager la chambre, je veux dire le lit, au délit et à la sanction pénale ? Autrement dit, donner la mort à qui l’a donnée à autrui ?
Les magistrats savent qu’ils doivent surmonter les émotions du public et la douleur des parties civiles, certes toutes légitimes, pour ne dire que le droit. Des dérapages dus à tels sentiments sont fréquents, notamment dans les justices populaires. La justice ne saurait prêter le flanc. Dieu dans la sienne parfaite, maîtrise sa colère ne veut jamais la mort du pêcheur.
La peine de mort ou peine capitale est une peine prévue par la loi consistant à exécuter une personne ayant été reconnue coupable d’une faute qualifiée de “crime spécial”, la sentence est prononcé par une institution judiciaire spéciale ou de droit commun. Le code pénale camerounais en son article 21(1) met en exergue ce que les juristes appellent “trilogie des infractions”. Il s’agit entre autres des crimes qui “sont des infractions punies d’une peine de mort ou d’une peine privative de liberté dont le maximum est supérieur à 10 ans. D’autres instruments juridiques tels la loi sur le terrorisme, punissent les agents des peines de mort. Pour ce qui est de la définition même du terrorisme, le statut de la cour africaine de justice des droits de l’homme et des peuples(CJDHP) le définit comme : “des actes pouvant mettre en danger la vie, l’intégrité ou la liberté , ou occasionner, des blessures graves ou la mort d’une personne , des dommages au public ou à un bien privé, des dommages aux ressources culturelles , au patrimoine naturel ou culturel”. C’est donc une sorte d’insécurité générale de l’État pour la CAJDHP. Pour juguler ou lutter efficacement contre cette criminalité, les états comme le Cameroun ont choisi la sanction extrême qu’est la peine de mort et ceci, en violation du droit international sur le droit à la vie.
S’il est vrai que le droit doit réprimer les actes négatifs dans la société, il n’est pas exclu de mettre l’emphase sur le respect des droits humains. Ainsi on se pose la question de savoir de savoir si la dignité humaine est-elle compatible avec la mort? Bien plus, un crime d’acte terroriste peut- il justifier la peine de mort? Peut- on envisager un moyen de répression des actes terroristes qui méconnaitrait le principe du respect de la dignité humaine ? De ces interrogations apparaissent deux écoles :
– celle de la place importante de la peine de mort dans la lutte contre la criminalité(A)
– celle de la peine de mort comme mode de répression qui va contre le droit interna de la protection de la dignité humaine (B)
A) la nécessité de la peine de mort dans la lutte contre la grande criminalité au Cameroun.
Comme nous l’avons signalé à l’introduction, plusieurs instruments juridiques ( code pénal, la loi sur le terrorisme…) au Cameroun rentrent dans le cadre de ce qu’on appelle la grande criminalité qui punissent les auteurs et complices de la peine de mort. Le volet positif de la peine de mort est donc perceptible sur le plan juridique et économique :
– au plans juridique
La peine de mort lorsqu’elle est prononcée rend service aux familles victimes en soulageant leurs douleurs. Ces familles ont le sentiment irrévocable que le droit leur a été rendu. En outre, ces décisions rendues par les juges sont un moyen de protection des citoyens et de l’expression de la justice dans ses missions régaliennes. C’est instauré l’ordre public et faire régner la sécurité, diminuer le taux de criminalité dans le pays et prévenir le retour des dangereux criminels dans la société et ainsi d’éventuelles récidives. Les exécutions sommaires des condamnés à mort sont un effet dissuasifs : un message lancé aux éventuels aventuriers sur ce mauvais chemin. Il faut mettre or d’État de nuire les individus dangereux. Le Cameroun a déjà opéré à ce genre de condamnation en février 2003 de 8 individus. C’est-à-dire, 7 personnes ont été condamnées à mort pour meurtre et, en juin, une infirmière a été condamnée à mort pour avoir transmis le virus du sida et de l’hépatite à deux enfants en injectant son propre sang. Il y’a quelques jours, 4 présumés sécessionnistes ont été condamnés par le tribunal militaire du sud-ouest (bua) pour les tueries de 7 enfants et blessés plusieurs autres dans une école au sud-ouest le 24 octobre 2020.
– sur le plan économique, la peine de mort est un gain économique car, elle coûte moins cher à la société ( nutrition, entretient, resocialisation….) que la prison.
B). L’incompatibilité entre le caractère universel de la dignité humaine et l’irréversibilité de la peine de mort.
La déclaration universelle des droits de l’homme en son article 1 dispose : “tous les êtres humains sont naissent libres et égaux en dignité”. La constitution camerounaise de 1996 modifiée en son préambule dispose : “toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale. elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitement cruels , inhumains ou dégradants”.
L’évolution historique de la protection de la vie laisse entendre que la peine capitale reste la forme la plus traditionnelle d’atteinte à ce droit. Le droit à la vie est un droit qui relève de l’évidence et peut s’entendre comme l’arbre à partir duquel tous les autres droits ont leurs racines. Le souci de protection de ce droit a donc amené la communauté internationale à poser les jalons d’une société fondée sur le respect de la dignité humaine : “nul ne peut être arbitrairement privé privé de la vie”, est la formule qui revient dans plusieurs instruments des droits de l’homme ; ce qui a conduit l’auteur Pierre d’Argent à définir le droit à la vie comme : “le droit de chaque personne de ne pas être arbitrairement privé de la vie par l’autorité publique”. On comprend donc que si on pouvait être privé de son droit à la vie, tous les autres droits deviendraient illusoires, notamment le droit à la dignité (respect de la personne ou genre humain). Le droit à la vie se situe au sommet de la hiérarchie des droits fondamentaux et doit être respecté. Le pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort renchérit : “l’abolition de la peine de mort contribue à promouvoir la dignité humaine et le développement progressif des droits de l’homme”. L’auteur et écrivain français Victor Hugo dans: “le dernier jour d’un condamné”, mettait a nu cette mauvaise pratique qui les droits humains.
Conclusion l’État du Cameroun qui s’est lancé dans la lutte de cette nouvelle forme de criminalité qui prend de l’ampleur en pratiquant la peine de mort, ne doit pas écarter les normes internationales qui rentrent dans la protection de la divinité humaine et donc du droit à la vie humaine. Trouver donc une juste mesure , un équilibre dans les sanctions concernant la lutte contre le terrorisme. Car le décalogue biblique dit : “tu ne tuera point”, et : “à moi revient la rétribution, le jugement au dernier jour”
(c) Dr Me Fotso Fostine, sept 2021