L’enlisement de la crise sécuritaire dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest préoccupe de plus en plus ces derniers temps. Une crise qui perdure malgré moult tentatives de négociations par le régime de Yaoundé. Toute chose qui porte à croire que seules les mesures fortes pourraient mettre fin aux hostilités.
Bamenda, 05 février 2019. Il est 10 heures. C’est une ville triste et dépourvue de l’essentiel de ses citoyens, qui accueille les reporters de LIBERTE PRESSE. L’avenue commerciale, ce principal espace d’échanges qui autrefois, à pareille heure, grouillait de monde, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Les boutiques sont fermées. Aucune exposition sur les deux allées de l’avenue comme à l’accoutumée. Du carrefour dénommé «City chemist» jusqu’à «T-junction», passant par «main market», c’est un désert total. Les populations n’ont pu faire que de céder à la menace des sécessionnistes de l’Etat virtuel d’Ambazonie dans leur plan de villes mortes, de la période allant du 05 jusqu’au 15 février 2019. Ils sont restés fermes dans leurs principes, ces adeptes de la sécession. Ils revendiquent la partition du Cameroun. Contrairement à Buea dans le Sud-ouest où les populations, fatiguées de cette fameuse situation, tentent de se lever la tête face à la meute barbare qui tue sans arrêt depuis plus de deux ans, à Bamenda, la peur de braver les interdictions empêche toute tentative.
Impossibles négociations
Sur place à Bamenda et au regard de la tournure de cette situation, on a du mal à croire qu’il s’agit de la même crise anglophone entamée en 2016, sur la base d’un certain nombre de revendications pour le mieux-être des citoyens. Si tel était le cas, comment expliquer que des gens qui disent lutter pour vous, vous transforment subrepticement en proie ? De plus en plus, les populations de Bamenda sont victimes du grand banditisme à ciel ouvert de la part de ces supposés défenseurs qui réclament à coup de force, des soutiens à leur besogne. «Nous sommes dépassés. Tu restes dans ta boutique ou dans ta maison quelqu’un apparait, soit seul ou dans un groupe. Ils demandent à être soutenu dans leur combat. Si tu ne donne pas de l’argent il tire sur toi ou ils coupent tes orteils en disant que tu es contre eux. Nous sommes fatigués», se confie un citoyen de la ville, les larmes aux yeux, sous anonymat de peur des représailles.
En réalité, sur un échantillon de 50 personnes trillées sur le volet à Bamenda aujourd’hui, 40 au moins n’encouragent pas cette crise et souhaitent que la vie reprenne son cours normal, même si les 10 autres restent dubitatives. Il est cependant clair qu’aujourd’hui, il ne s’agit plus d’une crise anglophone, mais du grand banditisme entretenu par des brigands en forêt, sous le coup des substances psychotropes qu’ils consomment à suffisance. Les consignes des leaders qui autrefois étaient respectés à la lettre ne le sont plus. Chaque membre du groupe en fonction de son influence ou de son charisme dicte ses lois. Même les instigateurs à l’extérieur du pays ont perdu le contrôle. Sur place, on parle de cinq groupes en moyenne qui constituent cette armée irrégulière de l’Ambazonie. Et la curiosité c’est qu’entre ces différents groupes, pas d’entente possible, mais des guerres de leadership qui les amènent à s’affronter très souvent entre eux.
De la violation des droits de l’homme
La crise dans le NOSO, au départ une revendication corporatiste, est entretenue de fond en comble aujourd’hui par les réseaux sociaux. À Bamenda, les âmes de bonne volonté le reconnaissent. La preuve, tous les plans d’action de ces terroristes sont véhiculés par les réseaux sociaux qui constituent pour un important moyen de communication. Pourtant, aux premières heures de cette crise on se souvient, des mesures avaient été prises par le gouvernement camerounais pour suspendre momentanément la connexion dans ces zones. Les premiers à décrier cette mesure comme étant une entorse grave à la liberté et aux droits humains, c’était les acteurs camerounais de la société civile, embraillé ensuite la communauté internationale. Les conséquences sont plus que fâcheuses aujourd’hui, pourtant on aurait pu résoudre certainement cette crise sans trop de complications. «Les choses auraient été différentes s’il n’y avait pas internet ici à Bamenda», renchérit un citoyen.
A plusieurs reprises, le premier ministre d’alors, natif de cette région, y a été plusieurs fois en mission à l’effet de tenter de pacifier la situation avec les siens. Malheureusement, il lui a toujours été posée une fin de non recevoir, de même que les autres élites du coin. Preuve de la mauvaise foi et de l’absence d’un interlocuteur valable avec qui l’on peut discuter et échanger positivement pour une sortie de crise. Malheureusement, cette affaire se présente comme du pain béni pour certains politiciens qui écument les plateaux de télévision dans les grandes métropoles, vociférant des énormités à l’endroit du gouvernement de la République, qu’ils disent entretenir cette crise. Ils le font malheureusement sans connaître la réalité du terrain. Ils utilisent cette crise pour leur propagande, laissant croire que rien n’a été fait par les pouvoirs publics pour y mettre fin. Ce serait faire preuve de mauvaise foi que ne pas reconnaitre les tentatives de négociation par les autorités depuis le début. Si l’Etat du Cameroun, avec tous ses moyens logistiques voulait appliquer les mesures fortes, cette crise ne serait plus d’actualité. On est sans ignorer que le matériel utilisé par ces sécessionnistes, n’est rien comparativement à celui qu’utilisait la secte Boko Haram. Mais l’armée régulière a d’une manière ou d’une autre vaincu cette nébuleuse. C’est dire que jusqu’ici, il est encore question de chercher une issue favorable par la négociation pour ne pas faire des victimes innocentes. Mais à l’allure où vont les choses, il ya lieu de craindre que ce ne soit possible. Et si la répression était la seule voie pour la sortie de crise ?
Houzérou NGOUPAYOU