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Regard d’artiste : Portrait de Momo Jean de Dieu par le Professeur Edouard BOKAGNE

Une peinture qui scie avec ce personnage assez exceptionnel du Landerneau politique camerounais

« Fo’o Dzakeutonpoug: Celui que je nomme le Croisé de la Politique. C’est quoi un croisé ? D’abord un guerrier ; surtout ça même : le guerrier. Mais aussi un croyant sincère. Les deux côtés contraires se bousculent en lui. L’un domine forcément l’autre. Mais vous ne le comprendrez pas sans avoir en vue ces deux facettes de l’homme.

Le croyant est le côté le plus subliminal d’un tel être. Les croisés d’antan furent chrétiens. Leur idée de la foi était culturelle. Ils croyaient en la beauté et en la supériorité d’une Europe qui, en ce temps-là, se trouvait plutôt mal en point. De même, le Fo’o croit en la beauté et supériorité camerounaise. Sa perception est fortement eschatologique, (de eschatos : la fin). Il perçoit un futur. Il l’imagine radieux.
C’est une vision profondément optimiste ; qui tranche avec le pessimisme de son frère de région Kamto par exemple ; ou même avec le réalisme mesuré d’un Djeukam Tchameni. Cet optimisme ne naît pas avec son alliance avec le Président Biya. Il est structurant de sa vue de la chose politique. L’opposant radical qu’il fut jadis était un gros optimiste.

Remontons le temps pour comprendre les lignes de son engagement. Son parcours individuel d’abord : le jeune avocat imprégné des idées du changement de la décennie 90… Il choisit, comme beaucoup d’autres alors, le chemin de la facilité : la contestation et ses multiples avatars.
La décennie 90 fut mère d’anarchie ; ce qui motiva la vigoureuse reprise en mains de Douala d’où est issu le commandement opérationnel de sinistre mémoire. Le Fo’o y a trouvé une vocation et sa courageuse défense des neuf de Bépanda, un écho. Le Président Biya s’est intéressé à cet acteur et certaines mesures administratives de l’époque proviennent de ses plaidoiries.

Mais l’éveil fut plus lent en lui. Il poursuivit la contestation. Il fut candidat à la magistrature suprême. Je crois qu’il aurait fait un fabuleux Président ; ne serait-ce que par ce côté ouvert et l’envie d’apprendre qui l’habite. Il perdit. À la vérité, par manque de psychologie. Mais gagna infiniment plus : la connaissance intérieure de qui il était et de ce qu’était ce qu’il poursuivait.

La grandeur d’un homme se mesure à ce qu’il peut apprendre et comprendre : de lui et des autres. Le Fo’o a fait ce que peu d’hommes politiques osent : étudier son adversaire ; en saisir, avec lucidité, la supériorité intrinsèque. Parce qu’il aspira jadis à la haute charge de l’État, il perçut le devenir d’un homme d’État et s’éleva, par introspection, à la hauteur des choses qu’il a apprises.
Par myopie, on ne voit du Fo’o que l’allié du chef de l’État. Cette étape, pour moi, est purement conjoncturelle. Le Président Biya aspirait à de tels partenaires pour accomplir sa mission. Personne mieux que lui, ne comprend l’utilité d’une opposition responsable et civique. Mais le Fo’o a pris long à apprendre et à trouver sa place plus que méritée dans un cosme auquel il appartient par ses faits d’armes.

Il est enfin devenu homo politicus au vrai sens du mot ; ayant parcouru le long chemin qui forge l’homme d’État. De cette hauteur, il est resté le croyant. Il voit, de son regard désillé, l’Éden en devenir dont il a la chance et l’honneur d’être l’un des architectes. Et il perçoit, dans les foules hagardes et déboussolées, égarées par l’imposture démagogique, le reflet de ce qu’il fut ou – pire – de qui il fut…

Personne ne comprendra l’engagement de Saint Paul s’il ne comprend la fougue de Saul de Tarse, le persécuteur du juste. Le Fo’o met désormais toute son énergie batailleuse à réparer le tort fait au pays qu’il ne voulait que servir et qui lui a tout donné. Traître ? À quelle cause ? Le Fo’o vous crie : le pays nous appelle et il se construit, patiemment, obstinément.
Il en exhibe, avec méticulosité, les images méconnues ; outrés des efforts à le vilipender et à l’avilir. Et il dit – parce qu’il le voit – que cette suspecte hargne que l’on croit adressée au chef d’État sont autant de coups de poignard à la République, à la Nation. D’ailleurs, ceux qui les infligent ne s’en cachent pas. Et le Président qui l’a déjà compris ne leur répond même pas…
Un homme tel que lui s’appréhende au-delà du phénomène. Il est noumène…
Une réalité cachée, mais vraie, qui se dévoile progressivement et qui comporte, en elle, la substance des choses et leur véracité…

Fo’o Dzakeutonpoug n’a pas fini de parler et de faire parler…Parce qu’il a le courage et la force de défendre sa vision de la vérité… »

(c) Professeur Edouard BOKAGNE, Jan 2023

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