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Gabon : entre refondation politique et verrouillage du pluralisme

À peine installé aux commandes du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema frappe fort. Moins d’une semaine après avoir prêté serment, le président de la transition entend restructurer en profondeur le paysage politique national. Sa première grande annonce : une réforme drastique des conditions de création et de maintien des partis politiques. Sur le papier, l’intention paraît louable. Dans les faits, elle ouvre la voie à un débat fondamental entre assainissement du système et confiscation du pluralisme.

Exiger qu’un parti politique rassemble 18.000 membres répartis dans les neuf provinces du pays, avec preuves d’adhésion à l’appui, un siège officiel, un compte bancaire vérifiable, semble s’inscrire dans une volonté de professionnalisation de la vie politique. Finies, donc, les coquilles vides, les formations créées pour des ambitions individuelles, ou les structures opportunistes ne survivant qu’à la faveur d’un climat de permissivité. Sur ce point, difficile de ne pas reconnaître la nécessité de clarifier les règles du jeu et d’exiger un minimum d’enracinement territorial pour qui aspire à incarner une voix politique sérieuse.

Mais à bien y regarder, l’exigence semble aussi calibrée pour ériger un mur infranchissable à toute émergence véritable. Le seuil de 18.000 membres est, pour beaucoup, hors d’atteinte dans un contexte où les ressources sont rares, l’engagement politique peu structuré, et les marges de liberté souvent étroites. Quant à la condition imposée aux partis existants d’obtenir un minimum de cinq députés et 30 élus locaux pour survivre, elle relève d’une forme d’élimination déguisée. Peu de formations, y compris dans des démocraties consolidées, peuvent prétendre à de tels seuils sans bénéficier d’un accès équitable aux moyens de campagne.

Derrière l’ambition déclarée d’assainir le milieu politique, plane ainsi une tentation autoritaire, celle de verrouiller le champ politique pour n’y laisser que quelques formations triées sur le volet, potentiellement alignées sur le pouvoir. Pire encore, la contrainte faite aux militants de quitter un parti quatre mois avant une élection pour se présenter sous une autre bannière confère au système une rigidité qui pourrait davantage étouffer le débat démocratique que le dynamiser.

En somme, cette réforme oscille dangereusement entre refondation salutaire et dérive autocratique. Elle rappelle que le problème en Afrique francophone n’est pas tant l’absence de lois que leur usage sélectif et stratégique. Lutter contre la prolifération des partis de salon, oui. Mais au nom de cette lutte, museler toute opposition structurée serait un recul démocratique.

Le président Oligui Nguema, porté au pouvoir par une révolution politique, gagnerait à se rappeler que l’espoir né le 12 avril 2025 repose autant sur le rejet de l’ancien système que sur l’aspiration à une démocratie véritablement inclusive. Toute réforme politique, aussi audacieuse soit-elle, ne peut prétendre à la légitimité si elle trahit l’esprit de liberté qui a présidé à son avènement.

Houzerou NGOUPAYOU

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