Du 10 au 16 janvier et du 20 au 26 Janvier 2022 ont eu lieu à Akono, deux sessions de renforcement des capacités de différents intervenants sur le PBF. Occasion pour le PBF de renforcer les capacités des participants sur la génèse de ce Projet, ses méthodes, outils et stratégies d’approche mais aussi et surtout ses réalisations dans les 10 régions. Au terme de ces assises d’un intérêt certain pour le PRPSS-C, nous avons rencontré le Coordonnateur National, Firmin BEVANG, qui s’est volontiers prêté à notre jeu de questions réponses.

Monsieur le Coordonnateur, comment en arrive-t-on au Financement Basé sur la Performance comme stratégie de financement de la santé au Cameroun ?

En adhérant aux Objectifs du Développement Durable (ODD) énoncés par l’Assemblée Générale des Nations-Unies, le Cameroun a pris l’engagement de relever suffisamment tous les indicateurs attachés directement aux conditions de vie des populations. De manière spécifique l’ODD 3 cible d’ici à 2030, la réduction de la mortalité maternelle et infanto juvénile, la fin des épidémies liées aux principales maladies transmissibles et la réduction de la mortalité précoce liée aux maladies non transmissibles ; ceci à travers un accès universel aux soins et services de santé, la promotion de comportements sains et le développement des cadres de vie favorables à la santé.
Par ailleurs, les indicateurs de santé en 2015 laissaient apparaitre un taux élevé de mortalité maternelle et infantile. La situation des autres indicateurs de santé n’était pas plus reluisante et nécessitaient également des réformes importantes, capables d’inverser la tendance. C’est alors que le Cameroun fait le choix du Financement Basé sur la Performance (PBF) comme stratégie de financement du système de santé, s’inscrivant en droite ligne avec la Composante N°4 de la Stratégie Sectorielle de la Santé 2016-2027, intitulée « Renforcement du Système de santé ».

Mais dites-nous déjà, c’est quoi le Financement Basé sur la Performance ?

Le Financement Basé sur la Performance, en anglais, Performance Based Financing (PBF) est une approche de financement du système de santé comme je vous le disais tantôt, axée sur les résultats, définis en termes de quantité et de qualité des services produits pour la population et qui inclut les personnes vulnérables.
De manière concrète et pour ce qui est des formations sanitaires, celles-ci reçoivent directement des subsides dans leurs comptes bancaires, en contrepartie des services rendus aux populations. Ces subsides sont versés après évaluation des quantités produites, conformément aux normes de qualité prédéfinies, et établissement des factures y afférentes.
Combinés aux autres ressources générées par la formation sanitaire, les subsides sont gérés de façon intégrée, transparente et participative par les responsables des formations sanitaires. Ainsi, une partie de ces subsides est utilisée pour le paiement des primes de motivation du personnel, selon la performance de la structure et la performance individuelle. La seconde partie est consacrée aux investissements dans la structure.
En clair, le PBF permet d’améliorer les mécanismes d’allocation des ressources à travers la contractualisation stratégique des structures sanitaires. Cette approche de financement de la santé concoure à l’objectif de viabilisation des formations sanitaires et des districts de santé.

Projet de Renforcement de la Performance du Système de Santé, Cellule Technique Nationale du PBF : on s’y perd un peu…

( Rires) C’est pourtant assez simple à comprendre.
L’approche PBF a officiellement démarré au Cameroun en 2009 par le Projet d’Appui aux Investissements dans le Secteur de la Santé (PAISS). Il couvrait 26 districts de santé des régions de l’Est, du Littoral, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
En 2015, après l’évaluation de cette phase pilote, le constat des améliorations sur la qualité des soins offerts et la satisfaction globale des populations des zones pilotes, le Gouvernement a identifié le PBF comme une stratégie clé pour améliorer l’efficacité de l’allocation et de l’utilisation des ressources dans le secteur de la santé, l’augmentation de l’utilisation des services de santé essentiels pour la population et l’amélioration de la qualité des services de santé et la réduction des coûts remboursables pour ces services. Un autre volet sera également amélioré : la performance des personnels de santé grâce au versement des primes de motivation, le recrutement local du personnel qualifié.
L’accord de financement signé entre le Cameroun et la Banque mondiale le 14 septembre 2016, qui met en place le Projet de Renforcement de la Performance du Système de Santé (PRPSS), lui assigne comme objectif principal de suivre la mise en œuvre de l’approche de Financement Basé sur la Performance ou Performance Base Financing (PBF) dans les 10 régions du Cameroun. Ce Projet a donc pour vocation d’accroitre la qualité des soins, l’efficience, l’équité dans l’utilisation des ressources et services de santé et enfin l’équité dans l’accès aux soins. La Cellule Technique Nationale du Financement Basé sur la Performance est l’Unité de gestion du Projet de Renforcement de la Performance du Système de Santé.

S’il fallait évaluer l’incidence du PBF sur le système de santé au Cameroun à l’heure actuelle que diriez-vous ?

L’incidence du PBF sur le système de santé est énorme. A ce jour nous avons une couverture géographique de 10 régions, 189 districts de santé et plusieurs dizaines d’autres agences parallèles comme des agences de contractualisation et de vérifications, des Fonds Régionaux pour la Promotion de la Santé.

De manière plus concrète, le changement apporté par le PBF s’observe dans le domaine des infrastructures car il y a eu la réhabilitation voire la construction de nombreux bâtiments, l’acquisition des équipements pour justement offrir des services et soins de santé de qualité aux populations, le recrutement local du personnel qualifié : à date nous sommes à plus de 3000 personnes recrutées dans le pays. Ce personnel recruté dans le cadre du PBF a en premier comme avantage un traitement salarial encourageant, principal sujet de motivation parce que nous avons essayé de faire un parallèle entre le salaire des fonctionnaires et ce que nous pouvons donner à ceux qui sont recrutés directement dans le cadre du PBF. En plus de ce salaire il y a les primes de motivation ou primes de performance, qui sont fonction du résultat produit. Il est évident que le PBF avec ses nombreux domaines d’intervention touche tous les secteurs en termes de qualité de services offerts.

Justement quels sont les instruments qui vous permettent de surveiller la mise en œuvre du PBF sur le terrain et sur lesquels vous avez édifié les participants à vos ateliers ?

De manière sommaire, je vais évoquer quelques outils. Nous avons comme premier outil, les contrats de performance que nous faisons signer à toutes les formations sanitaires et à tous les autres acteurs qui sont impliqués dans le PBF.

Le second outil, qui a fait ses preuves est le business plan. C’est un outil qui permet aux structures sous contrat PBF de définir des objectifs à atteindre, les stratégies et les actions à mener pendant un trimestre. Une évaluation est faite chaque fin de trimestre. Et c’est sur la base de ces évaluations que nous produisons les factures qui sont payées à tous ces acteurs. Ces acteurs ce sont les formations sanitaires, les Districts de Santé, les Délégations Régionales, les Fonds Régionaux pour la Promotion de la Santé, mais aussi les acteurs comme les Agences de contractualisation et de vérification et quelques structures centrales du MINSANTE.

Le troisième outil qui est utilisé pour la transparence, la bonne gouvernance est celui que nous appelons l’outil indice. Il prend en compte toutes les transactions financières, et permet de retracer les recettes et les dépenses. Cet outil est partagé avec tout le personnel des structures sous contrat de performance. En présence de tous, il est discuté et arrêté ce qui sera considéré comme contenu de cet outil indice. Sur cette base, chaque employé peut savoir quelle est sa prime de performance. C’est transparent, ça participe de la bonne gouvernance et chacun peut savoir quels sont les fonds enregistrés par la formation sanitaire, quelles sont les dépenses prioritaires à effectuer par la formation sanitaire, quel est le bénéfice ou alors la marge dégagée.

Sur cette marge, une partie est utilisée pour le paiement des primes et l’autre pour constituer une réserve bancaire de fonctionnement d’au moins trois mois.

Entretien réalisé par Sidonie ALIMA