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Entre allégeance et silence : Malaise au sommet du royaume Bamoun

Parmi les nombreuses images qui ont marqué la récente cérémonie de remerciement au chef de l’État et d’installation des nouveaux promus du RDPC à l’Ouest, une scène, brève mais éloquente, a capté l’attention et alimenté les conversations bien après la fin des discours. Celle de Komidor Njimoluh, nouvellement nommé chef de la délégation permanente régionale du comité central du RDPC à l’Ouest, s’avançant humblement pour faire allégeance à son roi. En retour, un silence. Un regard figé. Une posture de marbre du Roi des Bamoun, Sa Majesté Mouhammad-Nabil Mforifoum Mbombo Njoya.

Ce geste resté sans réponse n’est pas anodin. Il révèle, en creux, un malaise ancien, profond, que les observateurs de la scène politique et traditionnelle bamoun ne sauraient ignorer. La tradition aurait voulu qu’une telle démarche de loyauté soit accueillie, sinon par une accolade chaleureuse, du moins par un signe de reconnaissance symbolique. Il n’en fut rien. Le roi est resté impassible, comme pour signifier que tout n’est pas réglé.

Ce malaise, faut-il le rappeler, prend racine dans une succession de tensions feutrées entre deux figures puissantes du Noun. D’un côté, Komidor Njimoluh, désormais haut représentant du parti au pouvoir dans la région, et de l’autre, le jeune monarque qui, bien que porteur d’un héritage lourd, entend imprimer sa propre marque au trône royal. L’histoire politique et familiale s’enchevêtre ici de manière complexe. Komidor occupe aujourd’hui un poste que le Sultan Ibrahim Mbombo Njoya, père de l’actuel roi, avait longtemps incarné avec autorité et respect. Il n’est pas absurde de penser que cette succession ait laissé un goût amer, un sentiment de dépossession, ou du moins de déséquilibre.

Mais au-delà des individus, c’est une question plus large qui se pose. Comment les institutions traditionnelles et politiques peuvent-elles coexister harmonieusement dans un contexte où les ambitions, les loyautés et les intérêts se croisent et parfois s’opposent ? Le royaume Bamoun, comme tant d’autres chefferies traditionnelles au Cameroun, vit une époque charnière où l’héritage du passé doit composer avec les réalités d’un présent hautement politisé. Le silence du roi en dit long. Il traduit peut-être la volonté de se détacher des jeux partisans, ou au contraire, un refus d’un rapprochement jugé opportuniste.

Jusqu’où ira cette situation ? La balle est dans le camp des deux hommes. Le royaume Bamoun a toujours su se réinventer dans l’adversité, mais il ne faudrait pas que des conflits de personnes viennent fragiliser l’équilibre déjà précaire entre autorité coutumière et pouvoir politique. Il est temps, peut-être, que les deux parties engagent un dialogue franc, respectueux de leurs fonctions respectives, pour éviter que les non-dits ne se transforment en rupture consommée. Car un roi, fût-il silencieux, parle toujours. Et parfois, son silence est plus assourdissant que mille discours.

Houzerou NGOUPAYOU

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