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Dr Momo Jean de Dieu : “A la vérité, le pouvoir n’est pas uniquement qu’à la présidence de la République…”

Le Président national du Paddec, évoquant “LA THEORIE DES GARES POLITIQUES”, dénonce l’attitude de certains leaders politiques qui, profitant de l’ignorance du peuple, font croire que ce n’est qu’en étant Président de la République qu’on peut impulser le changement. Pourtant, selon lui, avec le processus de décentralisation en cours au Cameroun, c’est la base qui est le maître du jeu. En intégralité, nous vous proposons cette sortie à lire absolument. Une sortie qui cadre d’ailleurs avec l’actualité : la convocation par le Président de la République du collège électoral en vue des élections sénatoriales 2023.

LA THEORIE DES GARES POLITIQUES

Il y a une culture politique récurrente dans notre société qui laisse croire erronément que le rôle du parti politique est non pas la conquête du pouvoir mais davantage la conquête de la présidence de la République. Cette culture fait en sorte que l’élection présidentielle apparaisse comme un tout qui masque les autres élections. A la vérité le pouvoir n’est pas uniquement qu’à la présidence de la République, mais il se trouve également dans les Mairies, dans les Régions et au parlement.

Certains politiciens profitent de l’ignorance du peuple en matière politique pour parler du changement à partir du sommet de l’Etat, comme si on ne pouvait pas déjà opérer ledit changement à partir de nos villes et de nos quartiers. Ils laissent croire que tout marche mal parce que le président n’est pas à la hauteur des attentes du peuple et oublient que le développement d’une nation commence par le bas. Cette culture politique qui oriente le peuple vers le sommet de l’Etat n’a pas réussi pendant plus de soixante ans à produire des fruits. Le peuple doit savoir que le pouvoir est aussi bien en bas qu’en haut, pour dire trivialement les choses. Il doit donc s’atteler à le conquérir à ce niveau pour changer ses conditions de vie.

Avec la décentralisation, les pouvoirs des collectivités territoriales décentralisées ont été renforcés et une Ecole Nationale d’Administration Locale (NASLA) a été ouverte pour former, comme à l’ENAM, les futurs administrateurs des Collectivité territoriales décentralisées. Un projet de création d’une fonction publique locale est actuellement en cours. Ainsi les employés de ces collectivités vont gagner des salaires parfois plus importants que ceux de la fonction publique centrale. Ces collectivités territoriales bénéficient désormais du transfert effectif des ressources financières pour leur fonctionnement. Les pouvoirs du Maire ou ceux du Président du Conseil Régional sont élargis car ils disposent désormais des budgets colossaux pour le développement de leurs localités. En plus si les salaires mensuels des Maires vont de 250.000 Frs à 400.000 Frs, ceux des députés sont fixés à environ un million de francs et ceux des sénateurs jusqu’à 1.500.000 frs. Sans compter les avantages de toute nature.

Il est courant que dans les campagnes pour l’élection municipales ou législatives, les votants ne connaissent même pas les noms de ceux pour qui ils votent car c’est la figure emblématique du leader qui est présentée et derrière laquelle se dissimulent les candidats peu ou pas connus. Il y’a une culture politique à faire à l’adresse de notre peuple pour l’éveiller et l’amener à choisir dans les élections locales ou régionales le candidat présentant le meilleur profil et non plus seulement le parti politique représenté par son leader charismatique national.

Nous devons apprendre à notre peuple, à nos militants et surtout à ceux qui ont une ambition politique, que tout parti politique, à l’instar du PADDEC, est une Agence de voyage politique dont le véhicule transporte les ambitions politiques personnelles de chacun pris individuellement.

Il existe plusieurs Agences politiques qui conduisent à des destinations politiques municipales, régionales, législatives, sénatoriales ou présidentielle. Les militants choisissent leurs Agences de voyage politique en fonction de leurs ambitions personnelles et en fonction du capital politique individuel de chacun. Et naturellement, en fonction de ses aptitudes personnelles, de son capital matériel et/ou intellectuel, chacun sortira à sa gare de destination: Mairie, Région, Députation, Sénat, Présidence de la République.

Ainsi tout militant qui aspire à occuper un poste politique choisit parmi les Agences politiques existantes celle susceptible de l’y conduire plus sûrement. Et s’il y a embouteillage dans une agence, il lui est loisible de choisir celle qui peut le conduire à la même destination. Un exemple pour illustrer cette assertion nous vient du MKAM à YABASSI où le Maire Jacques MABOULA, ancien militant du RDPC, n’ayant pas été investi par son parti, a obtenu l’investiture du parti UFP pour conquérir avec succès la Mairie. Plus loin de nous, en 1992, dans la Menoua, l’honorable TEINKELA Jean, voyant son parti le RDPC en perte de vitesse, et face au boycott des élections législatives et municipales par le SDF, avait démissionné de son parti traditionnel dans lequel il était député depuis 1965, le RDPC, pour être investi par l’UNDP et conquérir avec succès la députation. Il retournera plus tard à la fin de son mandat à son parti politique d’origine, quand le vent y sera plus favorable : c’était un sphinx politique, un géant sur les épaules duquel je me suis assis!

A ce stade, il faut distinguer les agences politiques dont les chauffeurs cascadeurs peuvent conduire leurs militants dans le ravin politique, de celles qui le conduisent plus sûrement vers leur destination en toute sécurité. Qu’il mette de manière tactique l’idéologie ou qu’il ruse en prétextant le service du peuple pour capturer l’électorat, comme c’est souvent le cas, il n’en demeure pas moins vrai que le seul moteur qui guide l’action en politique est l’intérêt personnel avant l’intérêt du Peuple. Le peuple commence par moi plus toi plus les autres. La politique est l’art de conduire la conduite des autres et pour ce faire, il faut d’abord être mû par un ressort personnel, un intérêt personnel qui vous pousse à l’action. Il est trompeur de croire que c’est pour l’amour du peuple qu’on agit, car la politique permet d’accéder aux avantages de toute nature dont le peuple est exclu. Et c’est précisément la promesse de partager ces avantages avec ce peuple une fois élu qui le motive à choisir tel leader dans l’espoir qu’il améliorera ses conditions de vie.

Ceux qui suivent un leader politique espèrent légitimement recevoir des récompenses politiques, en termes de postes politiques, de profit politique comme par exemple l’attribution des marchés publics, les avantages de toute nature dont chacun bénéficiera individuellement, en affirmant qu’il est au service du peuple. Oui, on sert le peuple mais en se servant d’abord, et là où le bât blesse, c’est lorsque parvenu à une destination politique, le bénéficiaire s’accapare de tout sans donner le minimum au peuple qui l’a précisément choisi dans l’espoir que ses propres conditions de vie seront améliorées. D’où l’on voit que chacun a un intérêt personnel dans le choix de l’exercice politique car aussi bien le leader, que ceux qui l’entourent ou le peuple, chacun espère l’amélioration de ses conditions de vie. C’est une redistribution des biens de la cité de manière transversale : horizontale et verticale au profit de tous.

Commet donc une faute politique grave le leader qui vise le strapontin présidentiel sans se soucier de ceux qui l’accompagnent dans l’action politique quotidienne et dont les ambitions diverses visent les gares secondaires que sont les mairies ou le parlement. Ceci est d’autant plus vrai que certains ne l’accompagnent que pour profiter de son aura afin de parvenir à leur propre gare politique! Un tel leader, quoi qu’il s’en défende, démontre qu’il n’est préoccupé que par son intérêt personnel et non par l’intérêt de ceux qui l’accompagnent et encore moins par l’intérêt du peuple, car l’ambition personnelle du leader doit intégrer l’ambition personnelle de ses militants.

On peut habiller la politique avec tous les mots qui prétendent éradiquer les maux de la société, il restera que l’ambition personnelle et l’intérêt personnel sont le moteur de l’action en la matière. Ce n’est que parvenu à sa gare politique que le politicien sera jugé sur sa volonté de changer les conditions de vie du peuple. Et c’est précisément là que réside la volupté de la politique, servir le peuple, conduire la conduite de l’autre ! C’est le but ultime de l’homme politique d’inscrire son nom dans l’histoire en servant au mieux, non plus soi-même, mais affectivement et effectivement le peuple. C’est en effet le peuple qui inscrira son nom au firmament et dans le panthéon de l’histoire des hommes qui ont servi la nation. Entrer dans l’histoire pour devenir une légende grâce au service de l’autre. Mais pour y parvenir, il faut choisir opportunément la bonne agence politique et s’inscrire sur les listes électorales afin d’avoir droit de cité pendant des échéances électorales.

(c) Me MOMO Jean de Dieu,
Président National du PADDEC

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