DOSSIER

Dr Me Fotso Kamdem Fostine : “Le métier d’Avocat est un métier où la vie humaine est en danger”

L’Avocate au Barreau du Cameroun justifie sa présence devant les prétoires, en dépit du mot d’ordre de grève lancé par sa corporation. Elle a plaidé deux dossiers à Bafoussam vendredi dernier après le littoral et le centre. Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction, Dr Me Fotso Kamdem Fostine, par ailleurs Députée de la nation, appelle ses collègues avocats à la raison.

Dr Me Fostine Fotso, les Avocats sont en grève depuis le lundi 16 septembre. Une grève qui se traduit par le boycott des affaires devant les juridictions. Mais vous par contre, vous vaquez paisiblement à vos occupations d’avocats. Qu’est-ce qui justifie votre démarche ?

Je suis ici parce que je suis Avocate et j’avais deux cas très importants à Bafoussam. Je ne pouvais pas laisser mes concitoyens en détresse. Je suis venue leur donner un coup de main. J’étais déjà à la Cour d’appel du Centre pour assurer le service minimum Hier. Quand il ya grève à l’hôpital il ya toujours quelques infirmières de réserve pour le service minimum. Le métier d’Avocat est très délicat. C’est un métier où la vie humaine est en danger. J’ai suivi en mondovision que je risque d’être traduite au conseil de discipline, mais je vous assure que si je n’étais pas déterminée à bien faire mon travail, j’aurais pris peur et je ne serai pas venue faire les diligences ici à Bafoussam. Je voudrai simplement demander aux membres du conseil de l’ordre d’être très indulgents. Nous sommes quand-même en temps de crise, nous sommes en temps de guerre. Ma position ne me permet pas de mettre de l’huile dans le feu. Je devrais avoir une position assez tempérée.

Peut-on comprendre par cette démarche que ce que revendiquent les avocats n’est pas fondé ?

Je ne voudrais pas dire que les revendications de ma corporation ne sont pas justifiées. Mais je dis, le Président de la République nous a tendu quand-même la main pour le dialogue. Il fallait bien que tous les membres du conseil de l’ordre soient présents pour décider réellement si oui ou non ils acceptent la main tendue. Mais malheureusement beaucoup ont été absents, et c’est ceux-là même qui me menacent aujourd’hui. Est-ce que c’est normal que les membres du conseil de l’ordre mettent leur bâtonnier en minorité ? Ils doivent d’abord nous rendre compte. Nous on les a élu pour qu’ils assistent à toutes les réunions du conseil de l’Ordre. Ils doivent d’abord régler ça avant de venir régler mon cas disciplinaire. De toutes les façons je demande l’indulgence parce que je ne suis qu’un petit maillon dans la corporation. C’est vrai j’ai une double casquette, je suis députée du peuple et je me trouve dans un dilemme pas possible. On reproche au gouvernement dont je suis comptable de ne pas bien régler les problèmes de la corporation. Mais mettez-vous à ma place. Je ne peux proposer que l’amélioration des conditions de travail des Avocats à travers le dialogue. Je ne peux pas moi-même prendre une arme pour me fusiller. Avez-vous déjà vu une règle sans exception ?

Me Fotso, pourquoi pensez-vous que la grève d’une semaine seulement c’est très osé ?

Je voudrais que vous le sachiez, même 24 heures de suspension de la robe est très grave. Nous avons des audiences criminelles, correctionnelles où la vie des citoyens est en danger. Mais je recommande simplement qu’en comprenant la corporation, que la corporation dans l’avenir utilise les méthodes un peu plus souples. C’est ça mon message. Je ne suis pas bien placée pour juger les honorables membres du conseil de la corporation que je respecte tant. Je dis, nous pouvons faire les choses autrement. Notre pays a mal dans le nord-ouest, dans le Sud-Ouest. Figurez-vous, nous avons des gendarmes, des policiers décapités. Des innocents qui sont décapités parce qu’ils nous protègent, parce qu’ils protègent l’intégralité de la nation. Chez-nous les Avocats il n’y a pas quand-même mort d’hommes déjà. On se plaint que les magistrats ne nous respectent pas, les officiers de police judiciaire nous froissent et tout. Je veux demander aux uns et aux autres de laisser leurs égos pour être plus humanistes en ces temps de guerre. Avons-nous fini de pleurer nos morts? Nous n’avons pas encore fini de pleurer nos frères, nos cousins et autres, décapités tous les jours dans les zones dangereuses. C’est ça qui explique ma démarche aujourd’hui. C’est ça qui me révolte.

Peut-on comprendre maître que loin d’être un acte judiciaire, vous posez là un acte politique ?

(Rires), Vous voyez la politique partout. De toutes les façons, la politique judiciaire est fille de l’économie. Alors, quand il ya un tel débrayage l’économie du pays prend un coup énorme. Imaginez-vous les investisseurs, pour ceux qui ont des dossiers ici en référés, ils vont perdre des centaines de millions. Donc arrêtons de voir la politique politicienne partout. C’est quand-même très grave. C’est pour cela d’ailleurs que je salue l’initiative de monsieur le bâtonnier d’avoir quand-même essayé de convoquer un conseil extraordinaire pour réexaminer l’affaire, et des conseillers élus étaient absents. Le pauvre était de bonne foi. Donc, mettez de côte les actions politiciennes. Député de la Nation c’est la fonction politique la plus élevée de l’heure au Cameroun, Ministre n’étant pas une fonction politique, alors vous croyez que je cherche quoi si ce n’est le bien-être de la population qui a bien voulu m’élever jusqu’à ce niveau ? Si j’étais encore conseiller municipal vous deviez dire que je cherche un poste un peu plus élevé. Non, je cherche le bien-être de la population. Je recherche l’apaisement. Je suis en train de mettre un pont sur lequel le Barreau entier, le conseil de l’Ordre entier pourra même d’ailleurs traverser dessus pour éviter un feu, un lion, que dirai-je? Chaque bâtonnier aimerait avoir dans sa corporation un élement comme moi. Même s’ils ne le disent pas, beaucoup admirent mon courage. Si je vous dit que je n’ai pas peur sachez que je mens. La peur c’est le début de la sagesse certes. Mais à plus de 50 ans, on a bien commencé à être un peu sage. Je vous remercie !

Sébastien ESSOMBA

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