DOSSIERPOLITIQUE

Don spécial de Paul Biya : Les Maires du Noun déclinent l’offre du chef de l’État

Les maires UDC, regroupés au sein du syndicat des communes du Noun pointent du doigt, le flou qui entoure cette opération. Ils ont saisi le chef de l’État par une correspondance qui indique leurs attentes, au moment où la décentralisation se veut une réalité.

Dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 au Cameroun, le président de la République, Paul Biya, a décidé il y a quelques semaines, de l’octroi d’un don spécial d’une valeur de deux milliards de francs CFA en denrées alimentaires et en matériels de protection aux populations dans les 360 communes du pays. La charge de gérer ce présent du chef de l’État revenait au ministre de l’administration territoriale, Paul Atanga Nji qui, à son tour, va s’appuyer sur ses Gouverneurs, préfets et sous-préfets pour son effectivité.

Ce geste lourd de sens se trouvera très vite heurter à la mauvaise gestion, qui suscite déjà des sons dissonants. Sinon, comment comprendre en réalité, que dans un contexte de décentralisation, un don destiné aux Communes soit encore géré par Paul Atanga Nji, ministre de l’administration territoriale avec ses relais que sont les préfets et sous-préfets, alors qu’il existe bel et bien un ministère de la décentralisation qui a pour relais les Communes ? Il est clair que dans cette opération, existe un flou artistique qu’il faille élucider pour la gouverne des citoyens.

Le hold-up d’Atanga Nji et ses sbires qui fâche

À la vérité, les préfets, jusque-là considérés comme tutelles des mairies, ont du mal à lâcher du lest face à un “gombo” qu’ils ont pourtant géré pendant longtemps. Ce pouvoir à eux confié qui était d’ailleurs transformé en un moyen des règlements de comptes avec les élus jugés indélicats ou insoumis qui refuseraient de faire leurs volontés. À cela s’ajoute la couleur de la formation politique aux affaires dans la contrée, souvent à l’origine de certaines confrontations. Passons !

Eu égard, ce geste louable du chef de l’État à son peuple était voué à ce triste sort. Dans le Noun par exemple, la distribution s’est faite sans l’implication des maires UDC, réunis au sein d’un syndicat baptisé syndicat des Communes du Noun. Lequel syndicat regroupe pour l’instant six mairies sur les neuf que compte le département. Ils ont refusé volontiers de se lancer dans une amalgame défavorable à l’essor de la décentralisation au Cameroun.

Dans une correspondance adressée à Paul Biya, l’initiateur de ce projet, le syndicat des communes du Noun salue la pertinence et les valeurs symboliques du geste présidentiel par ces temps de crise sanitaire due au COVID-19, mais ont tenu à attirer son attention certaines réalités. “En vous remerciant pour le « Don Spécial » de Deux Milliards que vous avez bien voulu mettre à la disposition des 360 Communes pour renforcer les mesures de lutte contre le Covid-19. Nous, les Maires du Syndicat des Communes du Noun, venons pour vous exprimer notre inquiétude par rapport à l’entendement commun que nous devons avoir de la Décentralisation telle que voulue par notre Constitution, et, la Loi N2019/024 du 24 décembre 2019. En effet, le Communiqué de Presse du Ministre de l’Administration Territoriale, nous renseigne sur : La nature du « Don Spécial » : savon, masques, gants, seaux, bidons lave-mains, kits de tests de dépistage, appareils d’assistance respiratoire pour hôpitaux. L’itinéraire qu’il va prendre : Hôtel de Ville de Yaoundé-Gouverneur-Préfet-Sous-préfet. De même, lorsque nous sommes saisis de ce que la distribution se fera dans le cadre d’une Commission Présidée par le Sous- préfet, le Maire assurant la Vice-Présidence, il est de notre devoir, de vous saisir, pour, très officiellement, avec tout le respect, vous signifier que, nous ne pouvons, en début de notre mandat, repartir sur des bases révolues, que, au regard des torts causés, constatés par le grand retard quant à sa mise en œuvre, les résolutions du Grand Dialogue National ont conforté, à savoir, la volonté affirmée, accélérée de l’effectivité de la Décentralisation(…) Pour notre part. Si vous nous aviez consulté quant à l’utilisation judicieuse de ce « Don Spécial », nous aurions pu, à l’attention de votre haute gouverne, indiqué notre option pour sa mise à disposition ou affectation dans les différents comptes bancaires ou consignations spéciales, afin que chaque Commune, en fonction de son Plan de Riposte, engagé depuis le début en Mars, présente ses besoins réels en ce moment qui, en tout cas, se trouvent au-delà du stade : savon, masques, gants, seaux, bidons lave-mains. Nous avons besoin des kits de dépistage, d’appareil respiratoire, mais aussi, de prise en charge socio sanitaire, d’aménagement des sites pour approvisionnement, de mise en quarantaine, d’inhumation…de mobilisation et sensibilisation des populations…en ordre varié et spécifique “ , lit-on dans la correspondance adressée au chef de l’État.

Simulacre de décentralisation…

Dans cette correspondance en direction d’Etoudi, le syndicat des communes du Noun plaide pour une décentralisation réelle et non celle qui semble restée dans les discours politique depuis 1996. ” Vu le contexte de la Décentralisation, les Maires ne sauraient plus être les Vice-présidents des Commissions dirigées par les Sous-préfets : les textes sont clairs en matière de Contrôle de la légalité des actes pris par les CTD, il s’exerce à posteriori, avec en toile de fond, le principe de la libre administration comme essence de la Décentralisation. Le MINDDEVEL devrait sérieusement se pencher sur la nouvelle copie des termes de l’exercice de la Tutelle de l’État dans les CTD, veiller à la bonne interprétation des textes, aux relations cordiales entre le Représentant de l’État “ , poursuit-il.

Les élus locaux de l’Union Démocratique du Cameroun déplorent enfin, les abus, voire le mépris à eux imposés au quotidien par la tutelle. ” Pour plusieurs raisons relatives aux abus perpétrés par le Représentant local de l’État, dont nous vous avons saisi maintes fois sans obtenir une réponse de votre part, nous allons acheminer directement vers le MINDDEVEL, les états que ce dernier choisi de faire transiter par la Préfecture, en attendant que soient précisés les termes de bonne pratique liés à la déontologie administrative, ainsi que le respect mutuel entre, et, de part et d’autres, les administrations locales, ce qui commencent par exemple par, privilégier peut être, les « Invitation » « Séance de travail », « Rencontre » aux termes comme « Convocation », l’obtention des accusés de réception aux Services du Courrier pour toutes les correspondances, et, les rejet motivés, l’administration étant écrite, maintenir la rédaction des démarches, par saisie de l’Institution… Au regard de tout ce qui précède, et pour revenir particulièrement à la Gestion du « Don Spécial », nous, Maires du Syndicat des Communes du Noun, souhaitons, du moment où il est clairement question de « décentraliser » la Stratégie de Riposte, qu’elle soit confiée aux Maires sans qu’il ne leur soit imposée la Présidence du Sous-préfet, et, à l’avenir, veiller à les consulter pour être en adéquation avec le développement des stratégies qu’ils ont déjà sur place “ , concluent-ils. La distribution se déroule actuellement dans le Noun sans les maires. Dommage !

Sébastien ESSOMBA

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